Ville de demain et mobilité durable

Le 6 juillet 2021, le Club Les Echos Débats Prospective, en partenariat avec Wavestone, Delville Management et IESEG School of Management, recevait Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la Ministre de la Transition écologique, chargée du Logement, et Clotilde Delbos, directeur général adjoint, directeur financier du Groupe Renault et directeur général de la marque Mobilize, pour échanger autour du thème : « Ville de demain et mobilité durable ».

Lors de cette rencontre, les différents interlocuteurs ont échangé sur les évolutions du logement à la suite de la crise sanitaire, et sur l’organisation future des mobilités, avec notamment l’émergence des véhicules électriques et d’usages adaptés à chaque besoin. Ces évolutions sont autant de leviers d’amélioration pour atteindre les objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050.

Evolution du logement en France : à la recherche d’un modèle durable en réponse aux nouvelles aspirations des français

La qualité intrinsèque du logement est devenue plus importante pour les Français. Depuis l’arrivée massive du télétravail, provoquée par la crise sanitaire

21% d’entre eux souhaitent opter pour le télétravail d’après une enquête Wavestone

La qualité du logement signifie désormais plus de lumière, des espaces extérieurs, et de la modularité pour le télétravail, exigences d’autant plus importantes à entendre que les espaces de vie se sont réduits au fil des années.

Travailler chez soi et aller au bureau ne sont cependant pas les seules alternatives : des espaces dédiés au télétravail sont envisageables au sein même de la ville de résidence, permettant ainsi de réduire les distances parcourues pour aller travailler.

Les pouvoirs publics doivent composer avec les aspirations complexes et diverses des Français.

Wargon Emmanuelle

Wargon Emmanuelle

Ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement

Il faut que cette ville trouve son équilibre entre les services qu’elle rend et la densité qu’elle suppose

On observe d’un côté une volonté de quitter les grandes villes pour aller vers des zones moins denses, afin de se rapprocher de la nature, et de l’autre le besoin d’avoir accès à des commerces de proximité avec du lien social. C’est pourquoi certains de ceux qui aspirent à ces mobilités vers des zones plus rurales ne passeront pas à l’action.

Mme la ministre Emmanuelle Wargon rappelle qu’il convient de distinguer les cadres, travailleurs indépendants et professions libérales, qui sont relativement libres de choisir leur lieu de télétravail, et les « travailleurs de la 1ère ligne » qui doivent nécessairement se rendre sur leur lieu de travail (éducation nationale, agroalimentaire, usines, hôpitaux…).

Le modèle du pavillon, qui était le modèle du logement par excellence, n’apparait plus comme soutenable vis-à-vis des ambitions de la transition énergétique. Les tours d’habitation ne sont pas non plus une solution. C’est pourquoi Mme la ministre Emmanuelle Wargon a lancé l’initiative « Habiter la France de demain » pour réaliser une consultation du grand public sur le sujet de l’habitat des prochaines années : sera-t-il collectif, individuel ou individuel groupé ? Quelle vision de l’aménagement de la ville de demain ? Tout l’enjeu est d’imaginer ensemble des programmes immobiliers qui consomment peu d’espace et laissent une impression de nature et de liberté, en opposition avec le modèle de développement urbain des Trentes Glorieuses.

L’organisation des mobilités de demain : quel paysage ?

La crise sanitaire a eu un impact fort sur la mobilité : les usagers préfèrent recourir à leur véhicule personnel. Le véhicule fournit un sentiment de liberté auquel s’ajoute désormais un sentiment de sécurité. L’émergence de véhicules plus propres et silencieux comme les voitures électriques fait également écho aux aspirations de rapprochement avec la nature.

Un nouveau paradoxe apparait peu à peu : les populations font plus de télétravail qu’avant la crise et donc utilisent moins leur véhicule en semaine. Mais elles veulent aussi aller plus loin lorsqu’elles se déplacent, ce qui requiert l’utilisation de véhicules à moteurs thermiques. 25% des Français prévoient ainsi de se déplacer plus souvent avec leur voiture selon une enquête Wavestone. C’est en fait l’usage du véhicule qui évolue, comme l’explique Clotilde Delbos, avec par exemple l’utilisation du véhicule partagé en semaine et d’une location pour les week-ends. On passe d’un modèle de propriété du véhicule à un modèle de consommation d’un service de transport, ce qui permet une plus grande flexibilité. Mobilize réfléchit actuellement à ce changement de paradigme, et cherche à imaginer la mobilité de demain en étudiant notamment les questions de car-sharing, de ride-hailing, et de la livraison du dernier kilomètre.

Le développement de ces solutions de mobilités plus flexibles comme l’autopartage ou la location ponctuelle de véhicules doivent permettre in fine de réduire le volume des parkings dans les constructions.

Malgré ce passage progressif d’un modèle de propriété à un modèle d’utilisation, la voiture est et restera en France un objet de désir fort. On constate un réel attachement à une marque, à un modèle, et aussi à la connectivité à bord du véhicule. En raison de cet attachement, « on aura besoin que ce soit la flotte qui se décarbone assez massivement », comme l’explique Mme la ministre Emmanuelle Wargon, ce qui est en phase avec les attentes : 53% des Français souhaitent ce passage à des véhicules électriques selon une étude Wavestone de novembre 2020.

Pour 2025, Renault prévoit que 65% de ses ventes seront électriques, dont 30% d’électrique pur, puis 90% pour 2030. Il y a un attrait grandissant pour les véhicules électriques et hybrides qui vont progressivement devenir la norme dans les cinq prochaines années. Deux problèmes majeurs se posent face à cette croissance. Le premier est le nombre insuffisant de bornes de recharge, en ville comme sur les autoroutes : c’est un véritable frein à l’achat d’un véhicule électrique pour les consommateurs. Le second est la difficulté à installer des bornes de recharge dans les villes au sein des copropriétés.

On essaie de trouver le bon rythme entre être suffisamment ambitieux pour la planète […] et ne pas aller trop vite pour les Français pour qu’ils puissent s’ajuster aux changements : c’est pour cela que ces débats sont si longs

Emmanuelle Wargon

Les leviers d’innovation pour développer la mobilité et la ville de demain

Dans un projet de développement urbain, ce sont actuellement les phases en amont de la construction qui prennent le plus de temps, comme la recherche du terrain et l’instruction des permis de construire. Les associations peuvent également freiner le développement de projets urbains en déposant des recours : un des leviers majeurs pour favoriser l’innovation autour de la ville de demain sera d’augmenter l’acceptabilité des projets de construction.

Le logement de demain ne devra pas être figé dans une seule configuration, mais inclure plus de modularité, notamment pour le télétravail, et également plus d’espaces partagés pour tisser du lien social. La priorité sera aussi donnée au logement social. Quant au logement privé, des efforts seront entrepris dès la rentrée prochaine pour le rendre plus abordable : en contrepartie de certaines aides, un propriétaire privé pourra louer à des tarifs plus bas que le marché, afin d’accompagner les ménages les plus modestes dans leur recherche de logement.

Certains des leviers sur le plan de la mobilité sont actionnables par l’Etat. Le gouvernement cherche à faciliter l’installation des bornes de recharge électrique : la loi « Climat et Résilience » inclura prochainement un droit pour chaque copropriétaire d’installer une borne de recharge sur sa place de parking, à ses frais. Les bornes de recharge ultra rapides sur les grands axes se multiplient peu à peu pour pallier une autonomie encore insuffisante des véhicules électriques sur les longs trajets.

L’encouragement à l’achat de véhicules propres passe aussi par le soutien financier des ménages les plus modestes lorsqu’ils souhaitent changer de véhicule.

Enfin, le passage à une mobilité plus verte requiert le développement d’alternatives à la voiture thermique avec l’usage des transports en commun : c’est d’ailleurs là tout l’enjeu du projet du Grand Paris qui permettra de décongestionner le réseau routier en limitant les flux de véhicules entre banlieues.

Se garer en ville reste encore difficile : la ville de demain doit donc garantir un meilleur accès aux parkings afin de rendre les quartiers accessibles. Cette garantie passe par une collaboration toujours plus étroite entre les villes et leurs élus et les constructeurs urbains.

Certains leviers de la mobilité sont du ressort des entreprises du secteur automobile qui se doivent d’accélérer leurs cycles d’innovation. Même si l’innovation dans l’automobile reste encore difficile et longue en raison des moyens de R&D à engager, l’arrivée de l’électrique ces dix dernières années et de celle plus limitée des véhicules à hydrogène en sont les premiers témoignages. L’apports des outils digitaux est un atout indéniable.  Les simulations 3D dans l’automobile permettront bientôt de s’affranchir du besoin de développement d’un prototype physique, permettant de gagner du temps dans la phase de conception du véhicule.

Mobilize cherche à concevoir des véhicules sur mesure afin de s’adapter à ce changement de paradigme, propriété vers utilisation. Le développement de véhicules utilitaires légers est à l’étude, notamment grâce à des partenariats.

De plus il conviendra d’inclure tous les territoires dans ces transformations de la mobilité en offrant des services d’autopartage dans tout type de lieu d’habitation en tirant notamment profit du réseau de concessionnaires automobiles pour désenclaver certaines zones rurales où les solutions d’autopartage ne sont pas encore rentables pour les opérateurs.

Delbos Clotilde

Delbos Clotilde

Directeur Général Adjoint, Directeur Financier Groupe Renault et Directeur Général de la marque Mobilize Groupe Renault

Le problème de l’autopartage est qu’il est rarement rentable. Si vous voulez avoir des opérateurs qui gagnent de l’argent […] il faut leur donner des véhicules qui soient le plus abordable possible et le plus adapté possible afin qu’ils soient rentables et qu’ils puissent offrir ce service […] dans les villes moyennes voire dans les petites villes


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Le Club Les Echos Débats, ce sont 20 conférences par an au coeur des sujets de la nouvelle économie. Wavestone est associé aux Echos pour le Club Transformation Digitale parce que la transformation digitale est le cœur de métier de Wavestone et au Club Prospective parce qu’il est important plus que jamais de scruter le futur pour analyser, identifier les tendances et détecter les ruptures qui vont intervenir.

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