Le 17 octobre 2016, le Club Les Échos en partenariat avec Wavestone et Anaplan recevait Antoine Frérot, Président-Directeur général de Veolia, autour du thème : « L’eau dans un monde qui change ».

Antoine Frérot et Veolia

  • Antoine Frérot est diplômé de l’École polytechnique (promotion 1977), ingénieur du corps des Ponts et Chaussées et Docteur de l’École nationale des ponts et chaussées.
  • En janvier 2003, il est nommé Directeur Général de Veolia Eau (la division Eau de Veolia Environnement), et Directeur Général Adjoint de Veolia Environnement.
  • En novembre 2009, il est nommé Directeur Général, pour devenir un an plus tard Président-Directeur Général de Veolia Environnement en décembre 2010.

Créée en 1853, Veolia a réalisé un chiffre d’affaires de 25 milliards d’euros en 2015, réparti entre l’activité eau (45%), déchets (35%) et énergie (20%). Près de 80% de ce chiffre d’affaires est aujourd’hui réalisé à l’international.

Quelle évolution des métiers de l’eau dans un monde qui change ?

La croissance démographique et l’urbanisation, la pollution et la rareté croissante de cette ressource sont les trois enjeux principaux entraînant une évolution des métiers de l’eau. Face à ces enjeux, Veolia relève au quotidien les défis d’innovation, de dépollution et de développement à l’accès à l’eau et à son assainissement.

Accroître la productivité de l’eau et développer des solutions alternatives pour pallier la rareté de l’eau

Le principe de raréfaction progressive de l’eau sur Terre est un concept erroné. . Il n’y a pas moins d’eau sur terre et sa quantité globale ne varie pas. En revanche, sa répartition est inégale et les prélèvements toujours croissants. Ainsi la rareté apparente de cette ressource est due à l’explosion des usages et à la concentration des populations dans les villes. Ce qui entraîne une consommation supérieure aux ressources disponibles localement.

Afin de combattre la raréfaction des ressources, Veolia s’efforce de réduire les pertes d’eau sur ses infrastructures et de contribuer à la gestion de la demande individuelle.

Plus généralement, Veolia contribue à la déshydratation de l’économie, c’est-à-dire l’emploi de la plus faible quantité d’eau possible dans les processus de production. Si dans le domaine de l’agriculture par exemple l’irrigation goutte à goutte permet de diviser par trois la consommation d’eau, il faut également proposer des solutions aux industriels. À titre d’exemple, pour construire une voiture, il faut 400 000 litres d’eau, pour un jean 11 000, pour un téléphone portable 1 300 litres. Pour faire face à ces besoins, Veolia a, par exemple, mis au point un système qui extrait et recycle l’eau du process industriel, permettant ainsi à Nestlé de produire au Mexique du lait en poudre sans aucun prélèvement dans la ressource.

Des ressources alternatives peuvent être employées pour pallier la rareté de l’eau dans les villes. Le dessalement de l’eau de mer a ainsi vu son coût divisé par 10. La réutilisation des eaux usées permet également de produire de l’eau « ultra » pure, ou de l’eau destinée au nettoyage des voiries, à l’irrigation ou, à l’arrosage. La ville de Windhoek, capitale de la Namibie, en est un bon exemple avec plus de la moitié des habitants qui sont actuellement alimentés en eau potable par le biais d’eaux usées retraitées.

Cette transition vers des ressources alternatives a cependant un coût. Aujourd’hui, la production d’un mètre cube d’eau potable provenant d’une nappe pure coûte 5 centimes d’euros ; 25 centimes si elle provient de rivières comme la Seine ou la Tamise ; 75 centimes si elle est issue d’eau de mer dessalée. L’eau usée retraitée pour devenir potable coûte 45 centimes de plus que le coût de traitement pour rejet dans le milieu naturel. Cela reste néanmoins un procédé sensiblement moins cher que le dessalement.

Une pollution plus maîtrisée

Veolia intervient également sur la dépollution de l’eau et le traitement des eaux usées domestiques dont le coût est approximativement le même que celui du service d’eau potable.

En France et en Europe du Nord, les problèmes de pollution industrielle et domestique en voie d’être maîtrisés. Les rivières ont été dépolluées, et la qualité de l’eau s’est considérablement appréciée. En Europe occidentale et en Europe du Sud, à l’exception de l’Italie, la dépollution des eaux est en cours. L’arrivée de nombreux pays dans l’Union Européenne a permis d’accélérer cette dynamique, en vertu de la Directive cadre Européenne sur les eaux usées résiduaires urbaines.

Dans le reste du monde, de nombreuses disparités demeurent. La Chine, par l’instauration de nouvelles normes de dépollution plus strictes encore que les normes européennes engage une action très forte qui devrait permettre de résoudre l’essentiel des problèmes d’ici 15 à 20 ans. L’Inde progresse peu et beaucoup de pays émergents n’ont pas encore commencé à traiter cette question.Les marges de progression envisageables sont donc encore importantes.

Une gouvernance pérenne et transparente accélérera l’accès universel à l’eau

L’accès universel à l’eau potable est un Objectif du millénaire pour le développement 2030 (OMD). L’eau est un service géré localement, dont le succès dépend essentiellement de l’environnement politique et des autorités gouvernementales.

Les services d’approvisionnement en eau nécessitent des investissements qui se rentabilisent sur le long terme. Ce qui rend donc indispensable, un niveau de confiance élevé dans le cadre juridique en vigueur. Sur cette base on peut distinguer deux groupes de pays : d’une part ceux dans lesquels les acteurs privés décident de prendre seuls les risques liés aux investissements et d’autre part ceux dans lesquels les acteurs privés s’appuient sur des financements institutionnels (AFD, FMI, Banque Mondiale, etc.) bi ou multilatéraux.

Dans la plupart des pays émergents, les contraintes d’accès à l’eau ne sont pas uniquement liées à un manque de ressources, ni à un manque d’investissement. Le principal enjeu est celui de la gouvernance. En Chine et au Niger, toutes les populations urbaines ont dorénavant accès à l’eau grâce à des politiques locales ambitieuses. On peut d’ailleurs noter que le Niger, qui est le pays le plus pauvre de la zone d’action de Veolia, est aussi celui où le taux d’impayés est le plus faible. Dans le monde, en 15 ans, la part de la population ayant accès à l’eau a été divisée par deux.

Dans les pays les plus avancés sur les questions de l’eau, l’absence d’accès à l’eau n’est pas de même nature. Il peut être liée à des actes volontaires de malveillance (empoisonnement, pollution chimique, etc.). Pour y faire face, de nouveaux systèmes de gestion de la qualité de l’eau ont été mis en place, notamment lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012 ou de la COP21 à Paris en 2015. Les problématiques de surveillance de la qualité de l’eau en temps réel vont devenir essentielles. En Île de France, le système de surveillance de l’eau ServO vient d’ailleurs d’être inauguré sur le périmètre du Syndicat des Eaux d’Ile de France (SEDIF).

Ces contraintes de surveillance en temps réel ont elle aussi un coût. En France, l’ensemble des infrastructures ont été construites et sont désormais en voie d’être amorties. Le traitement des eaux usées est généralement assuré. Le service de l’eau en France est aujourd’hui très performant. Actuellement, le service d’eau potable représente l’équivalent d’une demi-tonne de marchandises livrée puis collectée et traitée par jour et par famille. Et cela pour un coût de l’ordre de 1€, c’est à- dire 0,6% du budget moyen occidental.

Le positionnement de Veolia et sa stratégie de croissance

Le principal objectif de Veolia est de démultiplier ses expertises et diversifier ses activités.

Actuellement, dans le monde, 20% du marché municipal de l’eau est confié à des acteurs privés. Pour les industriels, seuls 4% du marché du cycle de l’eau sont sous-traités. Aujourd’hui, les marchés industriels représentent les opportunités les plus significatives pour Veolia. L’international constitue à présent l’essentiel de l’activité de Veolia. Néanmoins, pour conserver ses marchés historiques, Veolia cherche à réduire les coûts, sans pour autant se positionner sur un service low-cost. Pour cela, l’entreprise doit faire la pédagogie des besoins d’investissements élevés auprès de ses partenaires, tout en poursuivant sa recherche d’efficacité et ses efforts d’innovation.

Quel futur pour les métiers de l’eau ?

Veolia est une entreprise qui a toujours innovée. Les techniques de traitement et de dépollution des eaux ont évolué depuis la chimie, à la biologie et dorénavant à la chimie moléculaire. L’IoT et le big data complètent désormais les techniques d’acoustique, d’hydraulique et d’électronique pour la maintenance des réseaux.

La garantie d’une eau saine nécessite chaque jour l’analyse de millions d’informations. Veolia possède plus de 2 millions d’objets connectés (compteurs d’eau, bacs à verre, capteurs installées sur les réseaux d’eau) en France.

Ces données peuvent être utilisées afin d’analyser les usages des villes et de mettre en place de nouvelles solutions. Des services interactifs sont même proposés aux usagers dans certaines communes (prévention de la consommation excessive et alertes par exemple). Des plateformes accessibles à tous permettront à terme aux acteurs de la ville d’imaginer des services croisant différents usages.

Veolia est à la croisée de trois métiers d’avenir : la gestion des déchets, de l’eau et de l’énergie. Elle possède un avantage concurrentiel non négligeable, reposant sur les nombreuses synergies imaginables entre ceux-ci. L’énergie produite avec de l’eau est moins chère, l’expertise dans le traitement des déchets aide au traitement des eaux usées, on peut aujourd’hui transformer les déchets ou les boues des eaux usées en énergie, etc.

Aucun des trois enjeux d’accès, de rareté et de pollution n’est insurmontable. En mettant en place des politiques ambitieuses, les Objectifs Du Millénaire pourront être atteints en 2030.