Budget carbone, prenez les commandes de votre décarbonation
Publié le 7 novembre 2025
- Transition écologique et sociétale
En bref
- Construire un budget carbone est le nouveau passage obligé des entreprises pour mieux piloter l’atteinte de leurs objectifs de décarbonation.
- Trois étapes cruciales sont nécessaires pour construire un budget carbone : estimer le bilan carbone de l’année à venir, aligner le bilan avec la trajectoire carbone et le budget financier et allouer le budget aux différentes directions de l’entreprise.
- Pour devenir un outil de pilotage efficace, le budget doit devenir l’affaire de toutes les fonctions et métiers.
La gestion du carbone est rentrée dans les pratiques courantes de la plupart des entreprises engagées dans leur transformation durable sur le marché. Maintenant que la mesure de l’empreinte et la définition de trajectoires de réduction sont des concepts connus, les entreprises vont devoir franchir une nouvelle étape et s’atteler à la mise en œuvre de ce que l’on appelle un « budget carbone » en s’appuyant sur leurs directions RSE et Financière. L’objectif : mieux piloter l’atteinte des objectifs de décarbonation, on vous explique.
Budget carbone : de la mesure au pilotage des émissions
De nombreux termes gravitent autour du carbone : mesure d’empreinte carbone, objectif de décarbonation, trajectoire de décarbonation, et maintenant budget carbone.
Voici les principales notions et maturité d’adoption au sein des entreprises :
Calcul de la quantité de gaz à effet de serre émise pour permettre le fonctionnement de l’entreprise et de sa chaîne de valeur. Il se fait en général sur une année. Cet exercice est aujourd’hui plutôt maîtrisé par les entreprises.
C’est la quantité maximale de gaz à effet de serre que l’on souhaite émettre à un horizon de temps donné, très souvent scindé en un objectif court terme (à 5 ans) et un objectif long terme (2050). C’est donc une cible. Elle s’exprime en souvent en pourcentage de réduction par rapport à une année de référence. La plupart des grandes entreprises ont aujourd’hui des objectifs globaux de décarbonation, la déclinaison de ces objectifs directions ou autre entité reste cependant un défi auquel le budget carbone cherche à répondre.
A savoir : Il existe des référentiels pour choisir son objectif. Le plus connu est SBTi (Science Based Target initiative), il permet de choisir un objectif, basé sur la science, cohérent avec un réchauffement maximal de 2°C. La difficulté principale à la définition de ces objectifs, et de la trajectoire associée, est de concilier d’une part le respect des guidelines du référentiel en termes de réduction absolue des émissions de CO2 et d’autre part le contexte de croissance de ces acteurs.
Décrit la décroissance des émissions pour atteindre son objectif de décarbonation. Elle décline l’objectif long terme en objectifs intermédiaires. La plupart des entreprises ont des trajectoires qui s’appuient sur un plan d’action pluriannuel.
C’est la quantité de carbone qu’une organisation se permet d’émettre chaque année à et qui se décline à la maille des BU et des équipes (comme un budget financier). Cela permet de s’assurer que l’on va respecter la trajectoire. Aujourd’hui, seules les organisations les plus avancées, notamment dans les domaines assurances et banques, disposent d’un tel dispositif, coexistant parfois avec l’instauration d’une taxe carbone. Cette dernière est une taxe mise en place par l’entreprise afin de se constituer un fond alloué à des projets de décarbonation.
En pratique : exemple d’une trajectoire carbone et budget associé
Si l’on fait l’analogie avec un budget financier :
- la trajectoire de décarbonation serait le « Plan de financement moyen terme ou Business plan »,
- la mesure carbone serait le « réalisé »,
- le budget carbone serait le « prévisionnel »,
- une première estimation de la tenue ou non de ce budget et son ajustement serait le « prévisionnel ».
Comment construire son budget carbone ?
Etape 1 : Estimer le bilan carbone de l’année à venir
- Collecter les données nécessaires…
En pratique: Empreinte carbone de l’année précédente, évolution des effectifs/locaux, effets des principaux projets/investissements, effet des actions de décarbonation des années passées, évolution du budget, inflation.
- …pour estimer le bilan carbone de l’année à venir à l’aide de ces données et d’hypothèses de projection prises
En pratique : Sur la base du graphique précédent, en prévoyant une augmentation de l’effectif de 5%, la projection budget carbone 2026 est : 1050 tCO2e.
Etape 2 : Aligner le bilan carbone estimé avec le budget donné par la trajectoire et avec le budget financier
- Identifier l’écart entre le bilan carbone estimé et le budget défini par la trajectoire
- Identifier les principales actions pour atteindre le budget
- Vérifier que les impacts financiers des actions de décarbonation sont pris en compte dans le budget financier
En pratique : Pour passer de 1050tC02e à 900tCO2e (afin de s’aligner avec la trajectoire de décarbonation), il faut réduire les émissions de 150tCO2e.Dans cette entreprise, les émissions des salariés proviennent à 50% de l’IT et à 50% des déplacements. Les actions identifiées sont les suivantes :
- IT : Réduire la dotation d’équipement. Impact CO2e : -75tCO2e. Impact financier : -150k€
- Déplacement : Service de location de vélo. Impact CO2e : -75tCO2e. Impact financier : +100k€
Etape 3 : Allouer le budget aux directions de l’entreprise
La dernière étape consiste à allouer le budget aux différentes directions de l’organisation en fonction de clés de répartition établies en fonction de leur capacité d’agir sur les émissions allouées ou de leur poids dans les émissions totales.
En pratique : Le budget à répartir pour l’année prochaine est 900. Chacune des directions a une capacité d’action qui lui est propre : IT : 450tCO2e Déplacement : 450tCO2e.
Comment faire de son budget carbone une réalité opérationnelle ?
Le budget carbone est un outil de pilotage des émissions très performant seulement si celui-ci est rendu opérationnel à tous les niveaux de l’entreprise. Pour cela, nous pouvons identifier différents facteurs clés de succès :
La construction d’un budget carbone marque un tournant dans la gouvernance du sujet des émissions de GES. La direction financière est un allié de taille aux côtés de la direction RSE, pour définir un budget carbone et piloter les émissions de manière proactive et anticipée. Ces deux directions pilotent ensemble cet exercice, en effet c’est en mêlant expertise technique carbone et rigueur comptable que le budget carbone gagne en crédibilité auprès des directions métiers ainsi qu’en fiabilité pour le pilotage des émissions. La mise en commun des compétences des différentes directions (rigueur budgétaire de la finance et optimisation carbone de la RSE) doit ainsi reposer sur un projet collectif porté par ces deux directions autour duquel gravitent d’autres parties prenantes opérationnelles. Cette alliance est primordiale pour permettre l’acceptation du budget carbone et en faire une réalité.
Au-delà d’une gouvernance partagée entre les directions RSE et Finance, l’apport de la finance est aussi méthodologique. La construction du budget carbone doit s’appuyer sur les règles de gestion de la finance afin de permettre un pilotage des émissions fin et solide. Le budget carbone doit donner une vision anticipée des émissions à venir tout en incluant les ambitions de décarbonation de l’entreprise sur l’année, cette vision doit être réconciliée en fin d’exercice pour s’assurer du respect ou non du budget fixé. Pour ce faire, des pratiques de « contrôle de gestion carbone » doivent voir le jour afin d’estimer les atterrissages de budget carbone, porter une analyse des écarts éventuels avec le budget afin de permettre des prises de décisions éclairées.
Une fois le budget carbone défini, il est alloué aux différentes directions ou Business Units en charge de le respecter au même titre que leur budget monétaire. Chaque direction ou business unit est ainsi rendue responsable de l’empreinte de son activité et des actions pour limiter celle-ci. La direction RSE a ici un rôle important pour guider des référents au sein de ces directions et Business Units en leur suggérant des leviers à mettre en place et en les aidant au décryptage des activités ayant un impact significatif. En effet, la direction RSE et l’équipe budget carbone conservent un rôle de consolidation des éléments du budget carbone et de connaissance des différents postes de celui-ci.
Dans les émissions comptabilisées en Scope 3 (Emissions indirectes), les achats de biens et services sont de manière récurrente un poste très important. Agir sur les émissions générées par ses achats, c’est agir sur ses fournisseurs. Qui de mieux placé que le département Achats pour aller au contact de ces fournisseurs et impulser des démarches de décarbonation chez ceux-ci ? Tout l’enjeu ici réside dans la création d’alliances et de synergies avec les fournisseurs de l’écosystème afin de travailler conjointement à la réduction des émissions carbones.
Comment déployer le budget carbone dans ses équipes ?
La mise en place d’un dispositif permettant le pilotage d’un budget carbone est un projet de transformation conséquent. Le carbone devient un indicateur de pilotage objectivé et piloté avec la même rigueur que le budget financier. Afin d’assurer un déploiement efficace, une équipe centrale composée de compétences financières et carbones doit être responsable de la notification et du pilotage du budget carbone sur le ou les premiers exercices. Cette équipe centrale devra par ailleurs sensibiliser les différentes directions pour les responsabiliser en les intégrant progressivement au processus de pilotage budget carbone.
Pour aller plus loin dans le rapprochement euro / carbone, certaines entreprises mettent en place un « prix interne du carbone », ou PIC. A noter que ce dispositif peut se présenter sous différentes formes. Par exemple en intégrant un « malus » dans le ROI des projets les plus polluants dès la phase d’étude et/ou en constituant un fond pour investir dans des projets à impact. Ce PIC peut donc venir en complément du budget carbone afin de se doter de moyens pour tenir les objectifs fixés.