Radar 2025 des acteurs de la mobilité lourde électrique : en route pour une décarbonation solide du secteur
Publié le 17 novembre 2025
- Transition écologique et sociétale
- Transport, voyage et logistique
Premier radar français de la mobilité lourde électrique : Wavestone analyse 84 acteurs sur 10 segments d’activité
Secteur à fortes émissions mais pilier essentiel des échanges économiques, le transport routier de marchandises entre dans une phase de transformation profonde, où les choix technologiques, industriels et stratégiques feront la différence pour se démarquer sur un marché concurrentiel.
Dans ce contexte, l’électrification s’impose progressivement comme la voie la plus solide parmi les différentes options de décarbonation – hydrogène, biocarburants, gaz renouvelables, solutions hybrides. Soutenu par un cadre réglementaire français et des objectifs européens de réduction des émissions des poids lourds neufs de -90 % à horizon 2040, la mobilité lourde électrique bénéficie d’un alignement favorable entre ambitions climatiques et politiques publiques.
Pour accompagner cette mutation et éclairer les décisions des acteurs du secteur en France, Wavestone a conçu le Radar des acteurs de la mobilité lourde électrique : une cartographie de référence issue d’une analyse approfondie et d’échanges réguliers avec l’écosystème. Cet outil offre une lecture structurée des dynamiques à l’œuvre : accélération de l’innovation, montée en puissance des infrastructures, consolidation des chaînes de valeur, repositionnement stratégique des acteurs. Le Radar est pensé comme un outil d’aide à la décision, conçu pour éclairer les dynamiques du marché, anticiper les opportunités et contribuer à la construction d’une filière alignée avec les objectifs climatiques européens.
En bref
- Le marché du poids lourd électrique offre des opportunités de croissance pour les acteurs historiques mais constitue également une occasion pour les nouveaux entrants de développer de nouvelles offres sur le segment.
- Des défis technologiques et logistiques sont encore à relever afin de tirer parti de toutes les opportunités offertes par l’électrification des poids lourds.
- Le soutien financier et réglementaire des institutions françaises et européennes reste décisif pour la viabilité du secteur.
- Une offre de services autour du poids lourd électrique est encore à développer pour exploiter pleinement le potentiel de la filière.
- La coordination de tous les acteurs de la chaine de valeur est essentielle pour assurer la pérennité de la mobilité lourde électrique.
Un marché émergent qui s’inscrit en continuité des objectifs de décarbonation du secteur des transports
Portée par des objectifs de décarbonation ambitieux et des réglementations incitatives, la transition énergétique dans le secteur du transport s’accélère. Si la mobilité légère électrique est désormais bien installée, la mobilité lourde représente un défi majeur : poids et volumes de marchandise importants, kilométrage élevé, contraintes opérationnelles fortes et investissements conséquents.
Longtemps en marge des priorités environnementales, le transport routier de marchandises (TRM) est désormais au cœur des politiques climatiques. Le règlement AFIR impose des bornes de recharge tous les 60 km sur le réseau transeuropéen, tandis que le règlement CO₂ fixe des objectifs stricts pour les constructeurs, assortis de pénalités financières en cas de dépassement. Ces échéances rapprochées accélèrent fortement la mutation du secteur.
Avec 653 nouvelles immatriculations de poids lourds électriques en 2024, le marché amorce une trajectoire prometteuse. Mais la réussite dépendra de leviers clés : accessibilité des infrastructures, subventions, coopération entre acteurs et consolidation des chaînes de valeur.
Chaque segment du secteur a ses propres enjeux et stratégies propres.
L’essor des poids lourds électriques met en évidence la nécessité d’un déploiement massif d’infrastructures adaptées, capables d’absorber des besoins de recharge supérieurs à ceux des véhicules légers.
Les gestionnaires d’infrastructures routières doivent prendre en compte les nouveaux enjeux amenés par le déploiement de bornes spécifiques aux poids lourds sur leur réseau d’infrastructure. La présence de ces installations constitue un signal fort qui confirme aux transporteurs la viabilité de l’électrique pour leurs usages.
Les installateurs quant à eux jouent un rôle stratégique pour assurer l’installation et la maintenance de ces bornes. Alors que l’installation de bornes CCS est désormais généralisée, la mise en place des futures stations MCS devra s’appuyer sur une expertise technique solide afin de garantir une exploitation sûre et performante de l’infrastructure.
Les fabricants de bornes de recharge assurent la disponibilité d’un volume suffisant de bornes, fixent des tarifs qui influencent directement la rentabilité et garantissent la fiabilité des équipements. Ils doivent également intégrer les évolutions technologiques, notamment l’augmentation constante de puissance, ainsi que diverses contraintes techniques, afin de proposer des solutions compétitives et adaptées aux besoins du marché.
Si la norme CCS, le standard européen actuel, permet déjà d’atteindre des puissances élevées, jusqu’à 500 kW sur certains sites, elle ne suffira pas à répondre aux besoins d’un parc de camions significativement plus capacitaires. L’adoption du Megawatt Charging System (MCS) est donc centrale, car elle conditionne la recharge rapide nécessaire aux usages longue distance.
La filière des CPO est sans doute l’une des plus dynamiques, tant par la diversité des acteurs (CPO issus des constructeurs ou énergéticiens, « Pure players », CPO dits « opérateurs techniques. ») qui y évoluent que par leur nombre en constante augmentation.
Leur modèle économique repose principalement sur la monétisation des sessions de recharge, avec des revenus issus des tarifs appliqués au kWh et des frais de service. Il peut être complété par des contrats de maintenance, des partenariats énergétiques ou des offres packagées incluant financement et gestion des infrastructures.
Acteurs centraux de la chaîne de valeur, leur poids dans les émissions les place sous une pression réglementaire accrue : obligations de reporting, zones à faibles émissions (ZFE) et objectifs de réduction imposés par la Stratégie Nationale Bas-Carbone. Cette responsabilité les pousse vers des solutions bas-carbone, tels que les poids lourds électriques.
Aujourd’hui, la plupart des logisticiens électrifient leurs flottes surtout pour les trajets urbains et régionaux. Ils doivent composer avec la disponibilité des infrastructures, la formation des équipes, la maîtrise des coûts et la complexité réglementaire. La pression pour optimiser la performance énergétique, assurer la continuité opérationnelle et répondre aux attentes ESG des clients renforce ces défis.
Les fédérations du secteur, telles que la FNTR, OTRE ou l’Union TLF, contribuent à nourrir la réflexion sur la décarbonation du transport. Elles mettent en lumière certains défis relatifs à l’adoption des véhicules électriques lourds : coût d’acquisition élevé, incertitudes sur les subventions, complexité des modèles économiques, adéquation des infrastructures existantes, et visibilité sur les trajectoires réglementaires.
Dans une logique de soutien opérationnel, certaines développent divers outils d’accompagnement : guides pratiques, webinaires, diagnostics techniques, et participation à des groupes de travail interprofessionnels.
En structurant le dialogue et en outillant les acteurs, ces fédérations deviennent des leviers stratégiques pour accélérer l’adoption et sécuriser la compétitivité du transport routier dans un cadre réglementaire en évolution.
Qu’il s’agisse des plateformes de gestion de flotte ou de bornes, elles sont conçues pour garantir la fiabilité des infrastructures et optimiser les coûts dans un contexte de montée en puissance des poids lourds électriques. Ces solutions deviennent des catalyseurs de performance, en intégrant la data pour anticiper les besoins, réduire les coûts et fluidifier les flux logistiques.
La majorité des acteurs généralistes intègrent progressivement des modules dédiés aux véhicules électriques, avec une vocation à s’adapter aux camions, même si seuls quelques acteurs sont aujourd’hui nativement orientés vers la gestion des poids lourds électriques.
Face aux enjeux de décarbonation et nouvelles exigences réglementaires, ces acteurs développent des stratégies progressives. Certains propriétaires mettent en place des programmes d’équipement de leurs sites en bornes de recharge haute puissance, allant jusqu’à devenir opérateurs de recharge. Cela passe par la prise en charge des investissements, la maintenance des infrastructures ou des modèles économiques basés sur le paiement à l’usage.
Ces sociétés accompagnent également leurs clients dans l’électrification de leurs entrepôts, en les conseillant sur les besoins en infrastructures selon les types de véhicules et les flux logistiques. La création de hubs de recharge centralisés à l’entrée de ses parcs est envisagée par certains pour répondre aux besoins des flux entrants et sortants et faciliter l’adoption des véhicules électriques par ses locataires.
Au-delà d’un simple état des lieux, le Radar vise à décrypter les tendances structurantes du marché, identifier les leviers de réussite et soutenir la construction d’une filière électrique compétitive et durable. Car si les défis demeurent nombreux : infrastructures haute puissance, financement, fiabilité des services, la mobilisation des acteurs et la convergence des politiques industrielles confirment une conviction : l’avenir du transport lourd sera électrique.
Un grand merci à Nessrine ALI-MOUSSA, Martin CARLES, Elise GUEIRARD et Emma SOUAYAH pour leur contribution à ce radar.
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Radar 2025 de la mobilité lourde electrique en France
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