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5 leviers pour réussir la digitalisation des organisations de recherche et d’innovation (R&I)

Publié le 3 juillet 2025

  • Transformation et stratégie

Devant une compétition mondiale exacerbée et face à des contraintes toujours plus strictes et hétérogènes à l’échelle mondiale (réglementations, enjeux environnementaux, accélération des cycles technologiques), l’innovation n’est plus une option, mais un impératif pour les entreprises.

Pour y faire face, les environnements de recherche et l’innovation (R&I) doivent se transformer en profondeur. Dans cette mutation, le digital ne doit pas être perçu comme un simple outil d’optimisation, mais comme un véritable catalyseur de rupture. Exploiter les masses de données issues de la veille, des activités de recherche et des collaborations permet de stimuler l’innovation, d’accélérer le « time-to-innovate« , d’assurer le « licence to operate » ou encore d’optimiser la gestion des ressources. La promesse d’une R&I véritablement « data-driven » est là : plus innovante, agile et efficiente.

Pourtant, de nombreuses organisations R&I peinent à engager et réussir leur transformation digitale, freinées par le manque de soutien du management, des résistances culturelles, la complexité inhérente aux données de R&I ou encore des blocages organisationnels. Tant que ces freins persisteront, le digital en R&I ne délivrera pas la valeur attendue.

Les points clés

  • La transformation digitale est devenue essentielle pour rendre la R&I plus agile, innovante et efficiente.
  • Elle nécessite un leadership fort, une vision centrée sur la valeur, et des cas d’usage concrets comme la datavisualisation pour démontrer rapidement l’impact.
  • Les résistances culturelles et la complexité des données doivent être surmontées par l’accompagnement des chercheurs et des rôles dédiés.
  • Une gouvernance claire des données avec des profils comme les Data Stewards est clé.
  • Une collaboration étroite entre R&I et DSI est indispensable pour aligner agilité scientifique et exigences techniques.

#1 Un responsable pour guider la transformation digitale et prioriser les cas d’usage R&I

La transformation digitale de la R&I s’accélère, portée par une multitude de cas d’usage prometteurs dans les laboratoires. Automatisation, robotisation, acquisition de données, assistants prédictifs… les leviers ne manquent pas. Mais pour éviter la dispersion, une règle d’or s’impose : prioriser par la valeur d’usage.

Chaque projet digital doit répondre à un besoin concret des chercheurs et s’inscrire dans une stratégie d’impact mesurable. Pour cela, une vision et un pilotage centralisés deviennent indispensable. Un R&I Digital Transformation Leader, ou un Chief Digital & Transformation Officer, doit incarner l’ambition, structurer la transformation et coordonner son déploiement. En lien avec les équipes scientifiques, il bâtit une feuille de route reposant notamment sur des indicateurs de performance clairs. Par exemple :

  • Réduction des erreurs
  • Optimisation de la reproductibilité
  • Réduction des temps de développement
  • Suppression des tâches à faible valeur

Mais son rôle ne s’arrête pas là. Il doit aussi démontrer que le digital en R&I est un levier stratégique pour l’entreprise :

  • Gain de productivité
  • Réduction des risques
  • Accélération de l’innovation
  • Réponse à des enjeux RSE

Autant de résultats attendus pour convaincre le COMEX et pérenniser les investissements.

#2 La datavisualisation, un premier cas d’usage à exploiter

Dans un environnement R&I où les projets sont souvent longs et incertains, la transformation digitale doit rapidement prouver sa valeur pour embarquer les équipes. Parmi les leviers les plus efficaces dès les premières étapes, la datavisualisation s’impose. À condition d’un minimum de mise en qualité des données, elle est simple à déployer grâce à des outils comme Power BI, sans attendre un appui complet de la DSI.

En quelques clics, elle transforme des données brutes et complexes en récits visuels lisibles, offrant aux chercheurs une vision claire de leurs résultats, des dynamiques de projets ou de signaux faibles jusque-là invisibles. Mais au-delà de l’analyse scientifique, elle devient un outil stratégique. Elle donne de la lisibilité au top management, rend les impacts mesurables, alimente les arbitrages et renforce le dialogue entre R&I et DSI, notamment sur les priorités de data management.

Et ce n’est qu’un début. Car chemin faisant, la transformation digitale produit d’autres actifs à forte valeur : algorithmes, jeux de données nettoyés, compétences numériques, outils réutilisables… Autant de briques qu’il faut valoriser pour nourrir la dynamique d’innovation et maintenir l’engagement durable du top management.

Face à un environnement concurrentiel et réglementaire exigeant, la R&I doit se réinventer pour gagner en efficacité, en performance et en agilité. L’IA est une opportunité pour accélérer cette mutation, à condition d’être intégrée dans une transformation profonde des modes de travail. Pour réussir elle doit se fonder sur deux piliers : l’upskilling des équipes et le pilotage stratégique des données de recherche.

Johan Aubert, Founder of The Augmented Innovation Company

#3 Surmonter les réticences culturelles et ouvrir de nouvelles voies de carrière

Le partage des données en R&I reste un sujet sensible. Les chercheurs hésitent souvent à ouvrir l’accès à leurs données, perçues comme des actifs stratégiques, tant sur le plan scientifique que concurrentiel. Cette réticence s’explique en partie par les enjeux de propriété intellectuelle, en interne comme en externe. À cela s’ajoute une certaine méfiance envers les outils digitaux et l’intelligence artificielle, souvent perçus comme des menaces pour l’autonomie scientifique ou comme des dispositifs risquant de dévaloriser l’expertise humaine. Enfin, le management n’incite pas suffisamment les chercheurs au partage de données.

Dans ce contexte, imposer des solutions techniques ne suffit pas. Il faut construire une approche concertée. Cela passe par des formations ciblées, une meilleure communication sur les bénéfices du digital, et surtout, une gouvernance des données claire, transparente et sécurisée. Pour déclencher un changement durable, des incitations concrètes sont nécessaires : reconnaissance officielle, récompenses, perspectives de carrière.

#4 De nouveaux rôles clés pour gouverner les données de R&I

Dans les environnements de R&I, la transformation digitale reste trop souvent freinée par un obstacle fondamental : la donnée. Hétérogènes, dispersées, issues de multiples sources internes (capteurs, simulations, expérimentations) ou externes (brevets, publications, partenaires), les données R&I sont complexes à exploiter et rarement réutilisées. La culture expérimentale privilégie les résultats immédiats, au détriment de la création de modèles reproductibles. Trop souvent, les métadonnées manquent, les informations contextuelles font défaut, et les données dites « négatives » ne sont ni archivées ni analysées. C’est une perte sèche pour l’apprentissage collectif.

Pour sortir de cette impasse, une gouvernance claire et de nouveaux rôles deviennent indispensables :

#5 La création d’un modèle organisationnel partagé

Si la transformation digitale rapproche naturellement les équipes de R&I et de la DSI, leurs cultures et pratiques peuvent entrer en tension. D’un côté, la R&I avance en mode agile, cherchant souplesse et rapidité pour expérimenter. De l’autre, la DSI veille à la cohérence globale du système d’information, à la sécurité, à la qualité de service et à la stabilité des infrastructures. Les frictions apparaissent particulièrement lorsque la R&I sollicite des ressources pour des projets exploratoires, souvent perçus comme incertains ou non prioritaires par une DSI. Pour dépasser ce clivage, un point d’ancrage s’impose : la désignation d’un “IT R&I Partner”, relais direct côté DSI, capable de dialoguer en continu avec le pilote de la transformation digitale de la R&I.

Ce binôme permet alors de construire une gouvernance partagée, adossée à une feuille de route pilotée par la valeur et à un budget dédié. L’enjeu est aussi d’intégrer des responsabilités précises côté maîtrise d’œuvre (MOE), avec un processus commun (type TOM) pour sécuriser chaque projet. Enfin, la constitution d’équipes projets pluridisciplinaires mêlant DSI, R&I et métiers permet de renforcer la collaboration et aligner les priorités.

 

Remerciements à Grégoire Denéchère, Maryline Meilland, Chadi Hantouche, Matthias Kechemair et Quentin Ramillon pour leur contribution à cet article.

Auteurs

  • Sébastien Rouzeau

    Senior Manager – France, Lyon

    Wavestone

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  • Johan Aubert

    Founder – Paris, France

    The Augmented Innovation Company

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