L’hiver que nous traversons va servir de test grandeur nature dans la crise énergétique qui met le monde sous tension. Cette crise inédite, et qui risque de perdurer, est la conjonction de plusieurs phénomènes. Le premier, structurel, est lié à la transition énergétique visant à préparer la neutralité carbone et entraînant ainsi des ruptures fortes dans l’ordre établi jusqu’ici du mix énergétique. S’ajoutent à cette transition, des événements conjoncturels inattendus tels que la guerre en Ukraine, venue déstabiliser l’ordre énergétique mondial sur le gaz, ou encore le phénomène de corrosion sous contrainte dans le nucléaire, qui a réduit temporairement la disponibilité du parc français.

Quelles leçons tirer de cette crise énergétique pour transformer l’essai dès 2023 et nous projeter plus sereinement vers l’avenir ?

Des efforts de sobriété payants

Sans connaître le degré de rudesse de cet hiver, il est intéressant de constater la mobilisation de tous — politiques, collectivités, entreprises, particuliers —, pour appréhender sereinement les mois à venir, sans risque de black-out électrique ou d’interruption de la distribution de gaz, en dépit de quelques délestages préventifs qui pourraient intervenir en début d’année 2023.

Dans cet effort de sobriété énergétique, le digital est en train de jouer un rôle majeur, comme en témoigne le succès de l’application EcoWatt, développée par RTE et téléchargée plus d’un million de fois, mais aussi l’ensemble des conseils et écogestes proposés par les fournisseurs d’énergie à leurs clients. Ces conseils, combinés à la prise de conscience écologique et à l’impact du facteur prix, ont déjà eu une incidence sur la consommation nationale d’électricité qui a baissé de 7% fin 2022 (source : RTE). C’est d’ailleurs ce qui a permis au gestionnaire du réseau de transport d’électricité français d’abaisser à “moyen” le risque de tension en ce début d’année.

Choix politiques nationaux et européens

L’année 2023 sera également marquée par plusieurs débats parlementaires structurants pour l’avenir de la transition énergétique en France, avec la fin de l’étude de la loi sur l’accélération des énergies renouvelables, la loi ouvrant la voie aux futurs réacteurs nucléaires ainsi que l’établissement de la prochaine Programmation Pluriannuelle de l’Énergie pour la période 2023/2028. Durant cette même année, des choix politiques seront à faire concernant la baisse ou la fin des boucliers tarifaires qui protègent les consommateurs mais ont un impact fort sur les dépenses publiques. Parallèlement, les pays européens, qui ont des politiques énergétiques divergentes, vont poursuivre leurs débats tout au long de l’année 2023 sur l’évolution du mécanisme de fixation et de plafonnement des prix de l’énergie.

Renouvelables, hydrogène et mobilité électrique

Au chapitre de l’accélération de la transition énergétique, l’éolien offshore, le photovoltaïque, le biométhane dans les filières agricoles et les réseaux de chaleur et de froid urbain vont poursuivre leur développement dans les mois à venir avec de nombreux projets en cours de réalisation, dont ceux de Courbevoie, Rueil Malmaison ou de la métropole de Nice récemment inaugurés ou rénovés. Dans le même temps, les aides et incitations mises en place dans le cadre des plans REPowerEU et France 2030, vont entrer pleinement en vigueur cette année. Cela devrait ainsi permettre l’accélération des projets et investissements dans l’hydrogène, afin de passer rapidement de l’état de démonstrateurs R&D à des déploiements à l’échelle concrets, tant dans l’industrie que dans la mobilité.

La mobilité électrique, elle aussi, va s’amplifier, sous l’impulsion du bonus écologique porté à 7 000 € pour la moitié des ménages, le lancement continu de nouveaux modèles chez la plupart des constructeurs, l’arrivée en force des acteurs chinois sur ce marché et la multiplication des points de charge sur tout le territoire. L’objectif des 100 000 bornes devrait enfin être atteint dans le courant de l’année, avec de nouvelles infrastructures sur les autoroutes, dans les villes, les entreprises et également dans les copropriétés. Il faudra également suivre de près les annonces des constructeurs et acteurs de la mobilité lourde. Là où les observateurs pensaient que le verdissement de la mobilité lourde passerait davantage par l’hydrogène ou le GNV, les récents progrès technologiques et de réduction des coûts semblent ouvrir la voie à des véhicules lourds propulsés par des batteries électriques.

De la sobriété subie à la sobriété choisie

En conclusion, si l’hiver 22/23 pourrait être tendu mais pas aussi critique que nous le craignions il y a quelques mois, les inquiétudes portent davantage sur les approvisionnements en gaz pour la fin d’année 2023, avec des stocks non sécurisés, une concurrence plus rude à l’échelle mondiale et des prix possiblement encore à la hausse. À ce moment-là, le parc nucléaire français devrait avoir retrouvé une meilleure disponibilité et l’expérience de sobriété subie au cours de cet hiver pourrait servir d’apprentissage à une sobriété énergétique choisie et préparée.