Article publié dans Le JDN du 19 décembre 2023

L’année 2023 s’achève en beauté pour l’IA européenne : une nouvelle levée de fond pour la pépite française Mistral AI et un accord inédit pour réglementer, sans brider, l’intelligence artificielle. Ce sont là d’excellentes nouvelles qui soulignent un vrai changement du mindset au sein de l’Union. Cela dit, elles ne suffisent pas à dessiner un horizon ou l’Europe deviendrait « le meilleur endroit au monde pour l’IA ».

Pour cela, 2024 devra rimer avec accélération et changements de fonds.

Réguler sans brider l’innovation

L’accord sur AI Act s’est arraché dans la douleur au terme de quatre années de gestation, de débats à rallonge au sein des institutions européennes et de désaccords entre pays promoteurs d’une régulation stricte et pays, comme la France, l’Allemagne et l’Italie, adeptes d’une régulation plus souple en faveur de petits acteurs européens.

Le point de sortie de cet accord est un texte qui régule davantage l’usage des intelligences artificielles que les technologies elles-mêmes. Il trouve un compromis entre d’une part la préservation de l’état de droit et des libertés fondamentales propres aux valeurs démocratiques européennes, et de l’autre, la stimulation de l’innovation.

Mais force est d’admettre qu’il faut bien plus qu’un cadre réglementaire « équilibré » pour lâcher la bride de l’innovation. Ce cadre était même l’élément le plus « facile » à installer. Le défi qui se dresse désormais face à l’Europe n’est pas des moindre car il réclame un vrai changement de culture.

Encourager la prise de risque et la diversité

Le premier virage culturel à opérer réside dans un nouveau rapport à la prise de risque, en particulier en matière de financement de l’innovation.

Il devient essentiel que les grandes entreprises piochent dans leurs fonds propres pour participer au capital des start-ups européennes et accroissent ainsi leurs opportunités de croissance. Pour cela, l’Union Européenne doit encourager le développement de fonds de Corporate Venture Capital (CVC) pour investir dans les start-ups locales. Ainsi, les entreprises propriétaires de fonds de capital-risque pourront contribuer à créer les produits qu’elles utiliseront et maîtriseront demain. N’est-ce pas là une voie directe vers leur autonomie stratégique et au passage, un coup d’accélérateur vers la souveraineté technologique européenne ?

Ce mouvement gagne du terrain auprès de quelques fleurons industriels européens. En novembre dernier, Bosch, Lidl, Burda et SAP investissaient 500 millions d’euros dans la start-up allemande Aleph Alpha. Près d’un moins plus tard, CMA CGM et BNP Paribas participaient à la deuxième levée de fond de la start-up française Mistral AI.

Le second virage à opérer consiste à affranchir les mentalités européennes de ce vieil entre-soi élitiste qui a forgé un mythe à la dent dure : il suffit de têtes bien faites d’ingénieurs diplômés d’institutions prestigieuses pour créer et développer une entreprise de tech. Cette forme d’endogamie professionnelle n’étoufferait-elle pas créativité et propension à penser « out of the box » ? Pire encore, ne coupe-t-elle pas d’opportunités et de talents invisibles aux yeux de certains ? La diversité au sein des start-ups est un levier incontournable de l’innovation.

Si l’Europe veut gagner une place de choix dans la course mondiale à l’IA, elle doit être audacieuse et incarner une forme inédite de leadership : celui de la prise de risque. Elle doit fixer un cap et s’y tenir, et assumer enfin un nouveau protectionnisme mesuré.

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