Banques traditionnelles, banques digitales, quel modèle pour demain ?

Le 21 octobre 2021, le Club Les Echos Prospective, en partenariat avec Wavestone, Delville Management et IESEG School of Management, recevait Jean-Paul Mazoyer, Directeur Général Adjoint en charge du pôle Technologies & Digital du Groupe CASA, et Benoit Grisoni, Directeur Général de Boursorama, pour échanger autour du thème : « Banques traditionnelles, banques digitales, quel modèle pour demain ? ».

Le Groupe CASA et Boursorama sont des acteurs majeurs de l’écosystème bancaire en France.

Le Groupe CASA compte à ce jour 51 millions de clients et plus de 142 000 collaborateurs à travers le monde. Créé en 1894, le Groupe CASA représente une des banques pionnières en France et à l’international : 10ème banque mondiale et 1er financeur de l’économie française avec un message clair : « Agir chaque jour dans l’intérêt des clients et de la société ».

Boursorama, détenue par le Groupe Société Générale, précurseur d’une nouvelle génération de banque avec le lancement de cette banque en ligne en 2005, attire de nombreux clients grâce à une stratégie tarifaire compétitive, une expérience client fluide et une offre bancaire complète et performante. Boursorama a ainsi franchi le cap des 3 millions de clients en août 2021.

 

Durant notre échange, les intervenants ont ainsi pu partager leurs points de vue complémentaires sur l’état de santé des banques traditionnelles et digitales en France et les leviers de croissance de la banque de demain : impact de la technologie, lien avec les fintechs, innovation et formation des talents.

Joël NADJAR, Partner Financial Services chez Wavestone, a brièvement introduit le sujet en rappelant l’impact de la Covid-19 sur l’utilisation des services digitaux. Deux faits sont ennoncés. Le premier est l’augmentation notoire de la part de l’online dans les ventes du retail, qui a plus que doublé en quelques mois au printemps 2020 par rapport à l’évolution des 7 dernières années dans tous les pays occidentaux. Le second est l’augmentation sans précédent du nombre de téléchargements des applications bancaires en France (+7 millions entre mars et avril 2020). Le digital s’impose et va continuer à s’imposer, mais finalement remet en cause les segmentations traditionnelles des banques ! Les études menées par Wavestone ont permis d’identifier 3 grandes typologies fondées sur ce que valorisent les clients dans la relation bancaire : la personnalisation de la banque, l’accès au conseil et à l’expertise et l’aspect pratique et commode de l’offre et du service ; sans prédominance d’un segment particulier. De plus, le client semble « zapper » d’un segment à l’autre. Il devient désormais important de capter ces changements et d’adapter les expériences clients en conséquence. Les banques les plus avancées travaillent leurs parcours clients dans ce sens. Dès lors, l’enjeu majeur des banques et de leurs partenaires est de développer une « hyperpersonnalisation » de la relation bancaire pour des millions de clients.

Banque digitale versus banque traditionnelle : entre autonomie et accompagnement humain

Aujourd’hui et dans les années à venir, développer une capacité digitale totale est au cœur de l’activité des banques. En étant exclusivement digital, Boursorama parait logiquement répondre à cet enjeu avec la promesse, comme le précise M. GRISONI, de rendre les parcours compréhensibles et simples et de proposer une maitrise totale à ses clients dans un modèle digital à distance. Néanmoins, ce modèle implique deux conditions, que sont la nécessité de compréhension côté client et la gestion opérationnelle coté banque. Au niveau des banques traditionnelles telles que le Groupe CASA, cet enjeu est également bien ancré dans le modèle avec la volonté de répondre à toutes les attentes et tous les besoins client liés au digital en s’appuyant sur de l’accompagnement humain.

Une première différence se caractérise dès lors au niveau de la place de l’humain au sein des deux modèles.

Benoit Grisoni

Benoit Grisoni

Directeur Général, Boursorama

Notre modèle est unique et différent, c’est un modèle alternatif

Si l’augmentation de l’utilisation des outils digitaux ne fait pas de doute, l’humain reste toutefois présent avec une place plus ou moins centrale. Les banques digitales promettent un modèle alternatif basé sur l’autonomie client ; l’accompagnement humain étant considéré comme nécessaire dans plusieurs parcours spécifiques comme certains moments de vie (changement d’emploi, divorce, mariage, suivi d’un crédit immobilier, …). Les banques traditionnelles proposent, selon M. MAZOYER, de rehausser le digital par l’accompagnement humain avec une conviction forte, qui est que le client souhaite pouvoir adapter ses outils et ses interlocuteurs en fonction de ses besoins.  Les deux intervenants s’accordent à dire que pouvoir proposer une offre totale à ses clients est clé pour répondre à la diversité de profils et de besoins des clients.

L’Intelligence Artificielle au service de la relation client 

Les banques se digitalisent. La crise de la Covid-19, au-delà d’avoir contribué à accélérer cette transformation digitale, a été un réel révélateur. M. MAZOYER et M. GRISONI s’entendent à dire que l’Intelligence Artificielle est en train de jouer un rôle central dans la digitalisation des banques et prend de plus en plus de place dans la relation client. L’objectif pour la banque est de comprendre le besoin du client, d’apporter une réponse précise simplement et rapidement (accès immédiat à l’information, redirection vers le service ou collaborateur adéquat) et, dans certains cas, de préparer l’opération pour laquelle le client a sollicité la banque. Parmi les technologies les plus utilisées dans le secteur bancaire, les analyseurs de mails et de documents ainsi que les agents conversationnels se démarquent. Les Français sont désormais familiers avec les chatbots, les voicebots et les callbots, des programmes informatiques qui simulent et traitent une conversation humaine écrite ou parlée entre le client et le terminal digital. Ces technologies sont capables de comprendre les intentions du client en langage naturel et d’y apporter une réponse en ayant le moins possible recours à l’humain. Pour la banque, ces technologies permettent de réduire les coûts et de libérer du temps pour le cœur de métier. Sur les 50 millions d’opérations mensuelles, Boursorama comptabilise 300 000 points de contact dont la moitié est traitée via chatbot ou callbot. L’Intelligence Artificielle se décline également en assistant virtuel, conseiller personnalisé et outil de scoring du client qui sont autant de nouvelles façons de repenser la relation client et d’apporter à celui-ci la meilleure expérience possible.

Jean-Paul Mazoyer

Jean-Paul Mazoyer

Directeur Général Adjoint en charge du Pôle Technologies & Digital Groupe CASA

La transformation digitale est l’appropriation de la technologie pour rendre l’entreprise plus efficace dans la relation client, dans le fonctionnement interne et dans les outils donnés aux collaborateurs

La perception de l’Intelligence Artificielle dans la relation client est positive, pour le client comme pour la banque. La stratégie de Boursorama est de continuer à améliorer ses outils existants (chatbot et callbot) et de travailler sur l’automatisation de la prise de décision en temps réel, en complément de la vision 360° déjà proposée à ses clients.

M. MAZOYER, quant à lui, insiste sur l’importance pour le secteur bancaire de déployer l’Intelligence Artificielle, sur l’ensemble de la chaîne de valeur : dès l’entrée en relation et pendant les moments clés de la vie du client certes, mais également au cœur des process, pour des fonctions de contrôle, d’exécution des opérations ou de cybersécurité augmentée.

Sur la question de la blockchain, les process de la banque de détail semblent peu concernés mais plusieurs initiatives émergent, notamment pour le traitement des crédits documentaires ou dans les banques de financement. Au final, bien que cette technologie puisse permettre de faciliter le parcours client, elle reste peu développée dans la banque de détail et paraît même difficile à mettre en place sur certains parcours tels que la mise en relation.

Des enjeux et leviers clés pour développer la banque de demain

La réglementation, un enjeu pour tous 

La transformation digitale représente un défi pour l’ensemble des acteurs de l’écosystème bancaire. Cela est d’autant plus vrai que les nouveaux usages digitaux se diffusent rapidement. En effet, la transformation digitale représente un risque pour les acteurs établis (perte de parts de marché, baisse des ressources, cybercriminalité, conservation et usage des données, …). Pour le régulateur, il s’agit de suivre les avancées technologiques et d’adapter les textes afin d’organiser la concurrence. Ainsi, M. MAZOYER souligne la différence entre les réglementations relatives aux établissements de paiement et établissements de monnaie électronique, qui sont plus restrictives en termes d’opérations et de services et l’activité de banque complète ; ce que certains clients ont parfois découvert à leur détriment pendant la crise sanitaire.

Du point de vue d’un insider, l’enjeu est de se mettre en conformité vis-à-vis des nouvelles réglementations alors que du point de vue d’un outsider, les règlementations peuvent représenter une barrière à l’entrée (protection des données, conformité, risques, …). Pour M. GRISONI, qui confirme la position d’insider de Boursorama, c’est aux banques de mettre en application la règlementation en décomplexifiant les parcours pour faciliter l’audit par le régulateur. Il met ainsi en avant la nécessité d’avoir recours à des experts et souligne l’intérêt pour Boursorama de faire partie d’un grand groupe bancaire.

Des domaines comme le compte courant et les paiements sont relativement faciles à passporter. Mais dès qu’on s’attaque au crédit ou à l’épargne, il peut y avoir des subtilités localement. L’entrée en relation reste un domaine assez régalien et assez domestique

Benoit Grisoni

Développer le PNB par les offres proposées

Pour le Groupe CASA, la croissance est aujourd’hui davantage intensive qu’extensive avec une marge de croissance autour de la complétude des offres proposées du fait notamment d’un taux de détention clients encore faible. En ce qui concerne Boursorama, M. GRISONI précise qu’il y a un double potentiel de développement du PNB, qui est lié à la récence de la relation client et l’âge, notamment au niveau du financement et de l’épargne. Rappelons que la moyenne d’âge est de 35 ans chez Boursorama. A plus long-terme, l’objectif est de concevoir des parcours au-delà qui apportent de la valeur au client avec une fluidité de l’expérience pour développer le PNB.

L’impact environnemental au cœur des nouveaux enjeux

Au-delà des questions RSE, essentielles mais déjà chevillées au corps de nombreuses banques, apporter des solutions financières aux problématiques clients en incluant cette dimension environnementale est aujourd’hui nécessaire et totalement intégré au sein des deux modèles bancaires. L’enjeu pour ces acteurs bancaires est de démontrer comment au quotidien dans chacune des actions réalisées, la dimension RSE est prise en compte, que ce soit en termes d’offres proposées (épargne responsable, prêt consommation éco-responsable, …), d’engagements pris (investissements ESG) ou de fonctionnement interne avec le green IT notamment. Une volonté d’être exemplaire aux yeux des clients comme à ceux des collaborateurs.

La responsabilité sociale et environnementale des entreprises est aujourd’hui une obligation

Jean-Paul Mazoyer

La guerre des talents : des nouveaux profils vers la banque

Une des clés de développement est également aujourd’hui le recrutement et l’attractivité des talents. Avec une diversité d’offres et d’emplois proposés, de nombreuses personnes venant d’autres secteurs que de la banque –notamment du e-commerce– se dirigent vers le secteur bancaire pour apporter une vision et des compétences nouvelles.

La volonté pour ces deux banques est d’attirer les jeunes et de les faire évoluer en interne, qu’ils aient ou non une expérience bancaire au préalable.

Benoît Grisoni

Benoît Grisoni

Directeur Général, Boursorama

Nous ne partons pas du postulat qu’il faut être banquier pour devenir banquier

Au-delà des expériences et du profil professionnel des collaborateurs, se pose la question des compétences et des appétences visées pour intégrer la banque de demain. Deux dimensions sont ainsi plébiscitées par les intervenants : d’un côté une forte appétence pour le digital et de l’autre un aspect plus comportemental avec une nécessité de curiosité et de responsabilité pour appréhender au mieux la complexité des sujets bancaires.


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Le Club Les Echos Débats, ce sont 20 conférences par an au coeur des sujets de la nouvelle économie. Wavestone est associé aux Echos pour le Club Transformation Digitale parce que la transformation digitale est le cœur de métier de Wavestone et au Club Prospective parce qu’il est important plus que jamais de scruter le futur pour analyser, identifier les tendances et détecter les ruptures qui vont intervenir.

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