La digitalisation dans le monde bancaire

Le 8 février 2023, le Club Les Echos Débats, Transformation Digitale en partenariat avec Wavestone, Nutanix, SAP et Docusign recevait Bernard Gavgani, Directeur des Systèmes d’information du groupe BNP Paribas sur le thème « Cybersécurité, IA : les enjeux d’une DSI en 2023 », animé par David Barroux, Rédacteur en Chef, Les Echos.

Le Groupe BNP Paribas, est une banque commerciale française qui se place comme première banque de l’Union européenne. Le groupe rassemble près de 190 000 collaborateurs à travers 65 pays et place le service de ses clients au centre de son activité.

Bernard Gavgani est directeur des Systèmes d’information du groupe BNP Paribas depuis fin 2018 après un passage à CIB. La DSI regroupe près de 38 000 personnes sur des postes IT, et le groupe BNP Paribas a également près de 3 000 profils spécialisés en cybersécurité.

Matthieu Garin, Partner chez Wavestone a introduit le sujet en évoquant la transformation actuelle des entreprises vers des tech company et l’ensemble des enjeux de la DSI associés à cette transformation.

Les tech company sont des entreprises qui fournissent un service, un produit ou encore une plateforme digitale, ou qui s’appuient très fortement sur l’IT comme source de revenu essentielle. Ces entreprises disposent de trois points communs : elles ont adopté une culture forte de l’innovation ainsi que d’une expertise à la pointe des sujets, elles se distinguent par leur rapidité d’exécution sur des sujets complexes et surtout, elles portent une attention permanente à leurs clients.

La DSI a donc un rôle essentiel pour accompagner l’entreprise dans cette transformation, et ce, via trois leviers principaux :

  • le choc d’industrialisation des DSI,
  • l’exigence permanente de la confiance,
  • le changement de statut de l’expertise tech.

A la question, quels sont les challenges du DSI en 2023 pour le groupe BNP Paribas, Bernard Gavgani s’approche des éléments présentés par Matthieu Garin en mettant en avant trois axes clé :

  • la nécessité de s’adapter en permanence aux nouvelles technologies,
  • la capacité à assurer la fiabilité des systèmes et leur sécurité,
  • la gestion des talents, clés pour faire fonctionner l’ensemble.

Adaptation aux nouvelles technologies

Tout d’abord, si la technologie occupe une place primordiale au sein des banques, il faut prendre un pas de recul pour réaliser que la technologie a toujours existé dans ces institutions. Les premiers réseaux ont même été créés pour les banques : la banque a toujours eu besoin de l’informatique et c’est l’IT qui permet aux clients d’avoir des produits à la hauteur de leurs attentes.

Cette place de la technologie a bien entendu été mise en avant avec la crise Covid, qui a, comme pour toute entreprise, fortement modifié les habitudes de travail. Le groupe BNP Paribas ne déroge pas à la règle et la crise Covid a ainsi été l’occasion de mettre à niveau tout le réseau et les outils collaboratifs pour le télétravail, avec près de 190 000 postes sécurisés pour ce besoin. Si Bernard Gavgani annonce que le groupe n’était pas forcément prêt au début de la crise, c’est cette capacité d’adaptation continue qui a permis au groupe de changer rapidement de mode de fonctionnement, alimentée par une compréhension rapide de la situation locale en Chine.

A chaque nouvelle technologie, il ne faut pas réinventer l’IT, mais au contraire étudier comment elle peut servir les besoins de l’entreprise. Pour M. Gavgani, l’organisation de la DSI ne doit jamais rester figée : « Une organisation répond à une problématique ». Il est essentiel qu’elle reste en évolution, en interaction forte avec ses utilisateurs pour pouvoir répondre au mieux à leurs besoins.

Cette évolution concerne aussi des systèmes existants. Par exemple, les systèmes bancaires sont basés sur un mainframe qui a continué d’évoluer. Il y a un enjeu primordial à pouvoir maîtriser les nouveaux systèmes tout en assurant une interopérabilité avec l’existant. Si les néo-banques peuvent aller vite car elles n’ont pas de systèmes legacy, elles gardent les mêmes complexités des systèmes d’information. Le groupe BNP Paribas se distingue dans sa capacité à faire évoluer son organisation et sa manière de faire l’IT. Et les 38 000 personnes positionnées sur des métiers IT dans le groupe BNP Paribas constituent une vraie force de frappe, et permettent également de faire preuve d’une grande agilité pour intégrer les différentes transformations et innovations.

Le rôle de la DSI est donc de trouver le juste milieu entre besoin de fiabilité et intégration de l’innovation. Cela passe par une veille technologique et innovation. La nouvelle technologie va être adoptée si elle répond à un des deux besoins suivants : résolution d’une problématique existante ou amélioration du niveau de réponse aux clients. En pratique, l’IT réalise des Proofs of Concepts (PoC) pour tester toutes ces solutions, et ce sont 20 000 projets qui sont suivis par la DSI. Face à ce chiffre impressionnant, il est nécessaire de prioriser les sujets pour assurer une bonne utilisation du budget. Concrètement, cela passe par le fait de savoir réussir à arrêter certains projets en difficulté avant qu’il ne soit trop tard sans pour autant casser la dynamique de l’équipe.

Postes sécurisés

Personnes positionnées sur des métiers IT

Projets suivis

Collaborateurs affectés à la cybersécurité

Fiabilité des systèmes et de la sécurité

La raison d’être de la DSI est d’assurer la confiance des clients dans l’entreprise. Pour cela, près de 3 000 collaborateurs travaillent dans le domaine de la cybersécurité dans le groupe.

La cybersécurité est une préoccupation permanente pour M. Gavgani, que ce soit pour les systèmes applicatifs ou pour les données directement. La DSI doit assurer la fiabilité de ses SI, mais également la continuité des services. La supervision des failles est une façon d’intégrer toutes les sources de menaces dans la stratégie cybersécurité.

La cybersécurité est une histoire de culture de l’entreprise

Bernard Gavgani

Face à la solidarité de certains attaquants, il est dans l’intérêt de toutes les institutions de faire de même pour se partager les informations et les bonnes pratiques de sécurité. Le groupe BNP Paribas fait ainsi partie de plusieurs communautés bancaires : collaboration mondiale avec des banques de même niveau, participation aux communautés des banques et assurances, membre actif du Cyber Campus en France, etc.

Cette collaboration est également réalisée avec les régulateurs, en particulier, FED et BCE, dans une démarche d’amélioration complète de tout l’écosystème. Le groupe BNP Paribas étant présent dans 65 pays, ce sont 65 régulateurs qui sont à prendre en compte, mais heureusement, certaines régulations se recoupent.

Si la collaboration est bénéfique, il est important pour le groupe de garder une indépendance stratégique vis-à-vis de ses partenaires. Pour M. Gavgani, s’il est important de construire ensemble avec des partenaires, il est indispensable de s’assurer de la sécurité des données utilisées du groupe BNP Paribas. En effet, les données client doivent rester dans la banque, et c’est la raison pour laquelle BNP Paribas a créé un cloud privé avec IBM, alliant sécurité des données et capitalisation sur les innovations du marché. Il est par ailleurs primordial de garder l’indépendance vis-à-vis de ses partenaires, et ce, en réalisant un transfert technologique du partenaire vers les équipes du groupe BNP Paribas à l’issue des projets.

Les talents, clé de la réussite d’une DSI

Les talents, et en particulier les ressources humaines disposant d’une expertise technologique qualifiée, sont essentiels pour faire fonctionner la DSI et accompagner son évolution. A la question des actions mises en place pour retenir les talents au sein du groupe, Bernard Gavgani répond que cela passe par la création d’un environnement qui est préparé pour les garder. Il faut regarder la question dans les deux sens : si la DSI recherche des personnes réactives, imaginatives et créatives, ayant un pouvoir d’exécution une certaine autonomie ; ces qualités sont également recherchées par les candidats à la recherche d’une entreprise. Les individus recherchent cette autonomie, la possibilité d’impacter l’organisation, l‘opportunité d’être créatif et de travailler sur des sujets intéressants.

Et pour donner les conditions de réussite des talents, un des leviers essentiels est la formation des collaborateurs d’aujourd’hui et de demain. Pour M. Gavgani, c’est une « obligation morale de donner une formation continue ». Le groupe BNP Paribas met ainsi à disposition une IT académie pour tous ses salariés sur l’ensemble des disciplines IT. Une autre initiative vise à former les futurs talents qui rejoindront le monde du travail ; cela passe par un travail avec des universités pour le développement des profils ingénieurs et IT métier : en France avec Polytechnique, Dauphine, Telecom Paris, mais aussi à l’étranger. Le projet de P-TECH entre Orange, IBM et BNP Paribas vise à former les lycéens dans les lycées professionnels, puis de les embaucher.

Au-delà des formations, il faut aider les talents à être et rester innovants. Cela s’est concrétisé par la création d’une Digitale Factory au centre de Paris pour BNP Paribas, donnant un environnement où les gens sortent de leurs cadres pour venir réfléchir, se rencontrer et travailler avec une dynamique différente sur des initiatives digitales.

Si le groupe BNP Paribas met en place des initiatives pour stimuler l’innovation en interne, l’innovation est une « collaboration entre différentes visions ». Le groupe a ainsi également prévu un environnement pour assurer cette collaboration avec un certain nombre de start-ups, qui sont hébergées sur les systèmes internes du groupe pour des questions de sécurité. Ce sont ainsi 149 fintechs qui ont des initiatives en cours avec le groupe, et 47 d’entre elles sont intégrées directement au sein du groupe BNP Paribas.

Ce qu'il faut retenir, en conclusion...

Face aux transformations des entreprises vers des tech company, ou tech business, l’innovation et la technologie sont au cœur des DSI. L’adaptation et l’intégration de ces technologies répondent à des problématiques existantes ou à des besoins client et peuvent être un réel avantage compétitif sur le marché. Les enjeux de sécurité restent primordiaux pour les DSI, se devant d’être au niveau de la confiance de leurs clients. Et la formation et l’émulation de l’innovation restent des leviers essentiels pour attirer et fidéliser les talents de l’entreprise.

A ces enjeux de la DSI s’ajoute la question de la sustainability. Ce sujet est essentiel pour M. Gavgani, membre des groupes de réflexion sustainability dans l’IT aux Etats-Unis, et pour qui l’IT est un centre de consommation d’énergie mais aussi un relais d’économie d’énergie. Si le groupe BNP Paribas a déjà mis en place une charte sur les comportements IT à suivre pour réduire la consommation d’énergie, il y a un travail en cours et à poursuivre sur l’identification des pistes. M. Gavgani cite notamment trois pistes :

  • les actions de rationalisation drastique des datacenters,
  • l’utilisation de nouvelles technologies dans un but d’amélioration continue – par exemple, avec des machines permettant de récupérer la chaleur dégagée par les ordinateurs –
  • un travail en commun avec les services achats en plaçant une responsabilité directement chez les fournisseurs.

Les Echos Logo

Le Club Les Echos Débats, ce sont 20 conférences par an au coeur des sujets de la nouvelle économie. Wavestone est associé aux Echos pour le Club Transformation Digitale parce que la transformation digitale est le cœur de métier de Wavestone et au Club Prospective parce qu’il est important plus que jamais de scruter le futur pour analyser, identifier les tendances et détecter les ruptures qui vont intervenir.

Retrouver tous les Clubs Les Echos Débats