Pour l’édition 2019 du Showroom de l’Intelligence Des Objets (SIDO), Sébastien Rouzeau – Manager Innovation Strategy & Management chez Wavestone, échangeait avec Laurent Levasseur (Président du Directoire de Bluelinea) et Mezri Sahtout (Enterprise Security Architect chez NTT Security) sur le thème Données de santé : Nouvelles perspectives pour les acteurs et les systèmes de soins.

Avec les progrès de la médecine, l’espérance de vie continue d’augmenter et les dépenses de santé représentent aujourd’hui 6 % du PIB mondial. En réponse à cette évolution, les systèmes de santé ont besoin de se transformer au travers de la médecine du futur, dont les données de santé semblent être la clé de voûte.

Les nouveaux cas d'usage de la médecine de demain

Le secteur médical tire profit de la massification des données au travers de deux familles de cas d’usages.

Tout d’abord, les cas d’usages grand public, parmi lesquels la médecine préventive qui s’appuie sur des objets connectés. Bluelinea, représentée par Laurent Levasseur, s’est ainsi positionnée sur des cas d’usages grand public en commercialisant un service de télé-assistance pour personnes âgées équipées d’objets communicants (bouton d’appel, détecteur de chute, montre d’appel, etc.).

D’autre part, les cas d’usages professionnels qui s’adressent aux médecins ou aux chercheurs afin de les aider dans leurs missions. L’arrivée des GAFA (Google, Apple, Facebook, et Amazon) accélère aujourd’hui cette transition vers la médecine préventive en apportant les moyens d’exploiter les données au travers de l’intelligence artificielle. Celle-ci est aujourd’hui mise à disposition des professionnels de santé et laisse émerger une médecine 3.0 en soutien direct des prises de décision médicales. La data science et les modèles de machines learning sont également mis à profit dans les essais cliniques, le diagnostic de maladies rares et l’aide au choix d’un traitement thérapeutique.
Ainsi, des solutions logiciel de ranking de combinaisons de molécules pour traiter le cancer en se basant sur le profil génomique du patient sont en cours de développement et d’expérimentation, dans les centres hospitaliers comme l’Institut Curie. Le robot Da Vinci, déjà commercialisé, assiste des chirurgiens du monde entier sur des actes demandant des niveaux de précision extrêmement élevés.

Un fort besoin de transformation

La médecine du futur ne va pas être déployée à grande échelle sans effort. Le challenge de l’analyse et la collecte des données médicales font face à la difficulté du personnel soignant à adopter ces outils. La transformation digitale doit intégrer les professionnels de santé le plus tôt possible afin de co-construire, tout en prenant en compte les réalités terrain du système médical. Des efforts doivent être entrepris afin de sensibiliser les médecins aux nouvelles technologies pour qu’ils ne perçoivent plus ces solutions comme des boites noires, mais plutôt comme des outils statistiques rationnels et puissants.

D’autre part, les modèles organisationnels sont aujourd’hui réquisitionnés et sont amenés à évoluer, afin de pouvoir inclure l’ensemble des parties prenantes dans les processus de prise de décisions : spécialistes, généticiens, bio-informaticiens….

Les problématiques à lever

Les données de santés sont des données personnelles et sensibles. En France, elles peuvent être stockées uniquement auprès d’hébergeurs de données de santé (HDS) agréés par l’état, qui sont aujourd’hui au nombre de 120.
Les premières générations d’objets connectés ont montré des failles de cyber-sécurité qui ne peuvent être acceptables pour des données aussi sensibles. Il est primordial d’intégrer la sécurité dès la conception afin de sécuriser les transactions.

Certains acteurs optent pour la Blockchain afin d’anonymiser les données et de permettre des échanges vérifiés entre des systèmes initialement non conçus à des fins de transmission d’information. Mais la Blockchain n’est pas la seule façon de répondre, les réglementations sont essentielles et permettent d’imposer des contraintes de sécurité forte. Le patient a ainsi la garantie de rester maître de ses données et de pouvoir demander leur suppression. Ces contraintes juridiques, si elles sont nécessaires, peuvent se montrer parfois contraignantes pour de nouveaux entrants sur le marché (startups).

Par ailleurs, l'intelligence artificielle appliquée à la médecine laisse présager des problèmes d'éthique. Qui sera tenu responsable dans le cas où un mauvais diagnostic est issu d'algorithme ? La question est d’autant plus difficile avec l’usage d’algorithmes auto-apprenants.

Les nouvelles technologies et l'usage qu'il en sera fait dans les prochaines années, amèneront assurément à réquisitionner les différents cadres juridiques, éthiques et réglementaires.