Impact et performance de mon dispositif d’innovation : le temps des comptes !

Depuis les années 2000, l’Innovation dispose d’une place centrale dans les organisations, à tel point qu’une majorité d’entreprises s’est dotée d’une fonction et de dispositifs dédiés. Deux décennies plus tard, le temps est venu de tirer un bilan des investissements réalisés au regard de la valeur concrète générée et plus seulement par des intuitions.

Mesurer l’impact et la performance de l’innovation, y compris de rupture, sur un large spectre d’actifs matériels (économie) et immatériels (culture, compétences…) est désormais un enjeu central pour les organisations. L’ambition d’une telle démarche est de valider la pertinence des orientations et des choix d’investissements pris en termes d’innovation, au regard des objectifs stratégiques du groupe et de la capacité des équipes à exécuter les activités d’innovation.

Si la mesure de la performance financière d’activités « business as usual » est aujourd’hui bien appréhendée par les équipes, la mise en œuvre d’outils de mesure d’activités variées d’innovation (produits/services, nouveaux business models, organisations/process) sur des typologies d’innovation opposées (core business, adjacente ou en rupture) est quant à elle moins triviale.

Dans ce cadre, comment déployer un dispositif de mesure pertinent et adapté ?

Mettre en place les conditions favorables au déploiement du dispositif de mesure

La mesure de la performance et de l’impact de l’innovation n’est que la partie émergée de l’iceberg. Préalablement à toute mise en œuvre d’outils de mesure, il est primordial d’aligner les orientations stratégiques de l’innovation avec l’ambition de l’organisation et donc d’aligner la vision des métiers avec le Corporate sur l’ambition de l’innovation. Ce partage de vision nécessite la mise en place d’un cadre de référence commun (langage et référentiel) sur les objets et les cycles de vie de l’innovation considérés dans l’organisation. Ces étapes préliminaires sont indispensables afin de faciliter la structuration de la feuille de route d’innovation commune. Seulement après, la mesure de la performance de l’écosystème d’innovation sera possible et pertinente.

Structurer le dispositif à différents niveaux de l’organisation

Si l’ambition finale peut être de piloter la performance de l’innovation à l’échelle corporate, il n’en reste pas moins indispensable de la connecter avec la réalité des projets. Ainsi, l’ensemble des cas que nous avons pu étudier converge sur un même constat : le dispositif de mesure se structure à plusieurs niveaux organisationnels ; à savoir au niveau projet, des dispositifs / Business Units et enfin au niveau Groupe.

Structurer le dispositif à différents niveau de l'organisation

La mesure de la performance prend racine à l’échelle des équipes et des projets avec pour ambition de mesurer le progrès et les chances de succès d’un projet d’innovation, depuis l’idéation jusqu’à l’industrialisation. Il s’agit à ce stade de mettre en place une boite à outils agile permettant de prendre en compte les spécificités de l’ensemble des typologies d’innovations adressées. Ainsi on pourra distinguer les projets d’innovation « core business », pour lesquels la performance se mesure au regard de l’excellence opérationnelle ; des projets d’innovation adjacente et des projets d’innovation de rupture, dont la performance est plutôt mesurée au regard de la capacité d’apprentissage des équipes.

La consolidation à l’échelle des dispositifs d’innovation / Business Units doit quant à elle éclairer les décisions d’investissement par des démonstrations validées à chaque étape du cycle de vie des projets. Le déploiement d’outils de mesure à l’échelle pipeline repose sur la construction d’un cycle de vie par étapes. Chaque étape est assortie de critères d’engagements et de succès projet. Construits de façon spécifique par typologie d’innovation et homogénéisés à l’échelle groupe, les outils de mesure à cette l’échelle permettent alors des comparaisons pertinentes entre projets et dispositifs d’innovation. Si la mesure de l’activité des pipelines est centrée sur les flux entrants et sortants ainsi que sur la capacité de progression des projets entre les différentes phases, la mesure de la performance doit quant à elle être mesurée à l’aune des enjeux et spécificités métiers. Ainsi les KPIs (financier, marketing, exploratoire, stratégique, …) au niveau pipeline doivent être alignés avec les enjeux des métiers et au regard des typologies d’innovation adressées.

La prise de hauteur et la vue d’ensemble pourront ainsi s’opérer au niveau corporate & stratégie groupe afin d’évaluer la performance globale de l’écosystème d’innovation (stratégie, portefeuille innovation…) et sa potentielle contribution à la stratégie du groupe et à celle des métiers. Ainsi la mesure de l’activité d’innovation au global peut s’opérer au travers de 3 indicateurs interconnectés : le coût des dépenses et investissement en innovation, la distribution du portefeuille d’innovation et l’état d’avancement des feuilles de route innovation. Quant à la performance, elle peut par exemple se mesurer au travers de l’Indice de Vitalité des Nouveau Produits (IVNP), qui permet de renseigner le nombre de nouveaux produits introduits au cours des dernières années et rapporté aux ventes. Si cet indicateur fait partie des références aujourd’hui, car il permet de mesurer la performance de l’ensemble de la chaine de valeur de l’entreprise tout en positionnant le client au centre de la réflexion, il convient de l’adapter à son propre environnement.

En complément, la performance se mesure aussi au regard de la réduction des coûts, de l’amélioration de la sécurité des collaborateurs (pour les industries lourdes et les gestionnaires d’infrastructures) et de la responsabilité sociétale des entreprises.

Si la mesure de la performance de l’innovation doit se structurer autour des trois strates exposées, il n’en reste pas moins nécessaire de prendre en compte l’environnement dans lequel s’inscrit cette mesure. Ainsi concernant le volet culture il convient d’évaluer les comportements du management et des équipes favorisant l’innovation (formations, « learning expéditions », …) et leurs impacts sur la performance (par exemple au travers d’un score d’engagement). Enfin, les collaborations et la relation partenariale sont aussi des éléments qui viennent alimenter l’écosystème d’innovation et qu’il convient de mesurer. Ainsi les indicateurs à déployer s’orientent soit vers un modèle investissement ou bien stratégique (nombre de partenaires, nombre de solutions déployées dans les métiers, typologies de partenariats…) avec pour particularité que ces indicateurs de performance permettront plus facilement « d’incentiver » les collaborateurs.

Mettre en œuvre des chaines de KPI

Si le choix des indicateurs ainsi que leur déploiement font partie une démarche engageante, cette action restera vaine si l’ambition de lier et d’interconnecter les différentes strates de pilotage et leurs indicateurs n’est pas la finalité visée. Le pilotage de la performance de l’innovation et la prise de décision liée ne peuvent se faire qu’en mettant en œuvre des chaines de KPI. Ces chaines doivent ainsi permettre d’identifier le niveau et le maillon en défaillance et de mettre en œuvre les leviers actionnables pour corriger la trajectoire.

Chaîne de KPIs

Ces chaines de KPI et leur niveau d’interconnexion permettent aussi de renseigner sur le niveau de maturité du dispositif de mesure mais aussi sur celui de l’organisation dans laquelle il est déployé.

Conclusion

S’il existe bien des principes universels, chaque dispositif est quant à lui unique. Il convient alors à chaque organisation de s’appuyer sur les piliers qui la caractérisent : comprendre sa propre culture, cartographier l’environnement dans lequel s’inscrit son innovation et aligner l’ambition de l’innovation avec la stratégie globale ; avant de réaliser un travail de construction de sa propre boite à outils.

Cette démarche doit par ailleurs se réaliser dans un cadre itératif avec les équipes, dans un mode test & learn et avec pour cible un déploiement progressif, basé sur le volontarisme. L’adhésion des équipes reste le facteur clé de réussite d’une telle démarche qui doit s’inscrire dans la durée, tant pour sa construction que sa mise en œuvre. Ainsi, la boite à outils se doit d’être évolutive, flexible et requestionnée au regard de l’évolution des ambitions et des orientations stratégiques de l’organisation.

Post-scriptum :

Le format de la présente publication étant contraint, une simplification a été opérée. Pour de plus amples informations nous vous invitons à vous rapprocher de l’équipe de rédaction de l’article.