Une étude France Digitale / Wavestone 2019

2015 avait vu le « Big data », 2016 était submergée par « l’Intelligence artificielle », 2017 n’avait pu échapper à la « Blockchain ». De toutes les vagues technologiques, l’informatique quantique pourrait bien se révéler la plus puissante. Cette technologie de rupture reste à ce jour méconnue, concentrée dans les mains de quelques « Big Tech » alors même que ses potentialités d’application paraissent massives.

Pour mieux saisir la révolution qui s’annonce et s’y préparer efficacement, France Digitale et Wavestone ont mené conjointement une étude pour décrypter les enjeux, les usages actuels et à venir de l’écosystème et les actions à engager. Face aux géants américains et chinois, l’Europe a notamment tout intérêt à se doter d’une véritable «stratégie quantique» pour mobiliser les laboratoires de recherche, les scale-up, les grands groupes, les investisseurs et les pouvoirs publics.

Nicolas Brien

Nicolas Brien

CEO France Digitale

L’informatique quantique est un sujet trop important pour être laissé aux seuls ingénieurs. Il est temps que les forces vives de l’écosystème numérique s’en saisissent. Puisse cette étude apporter une première pierre à la construction d’un édifice commun.

Un écosystème riche mais encore jeune

Comme l’essentiel des technologies récentes, l’informatique quantique nécessite la mobilisation d’un écosystème riche et divers : recherche, financement, commercialisation, tous les acteurs doivent être mobilisés pour faire émerger des solutions opérationnelles, avec un véritable impact global.

Les laboratoires de recherche, des partenaires clés

La technologie étant encore en phase de recherche et développement, les laboratoires et universités sont des acteurs clés de l’écosystème quantique. La majorité d’entre eux collaborent avec d’autres unités de recherche ou avec des entreprises privées.

Au niveau européen, de nombreux projets de recherche de collaboration internationale sont en cours, comme le projet OpenSuperQ qui réunit des collaborateurs d’Allemagne, d’Espagne, de Suède, de Suisse et de Finlande. La collaboration d’institutions d’au moins trois pays différents est d’ailleurs l’une des conditions d’accès aux financements du programme européen : le flagship quantique.

Les géants du numérique à l’avant-garde

Plusieurs grands groupes, les géants américains en première ligne, ont développé en interne des programmes dédiés à la technologie quantique pour l’utiliser, et la commercialiser, ou financent des programmes de recherche. Ce sont tout d’abord les géants américains Google, Microsoft, IBM et Intel.

Les entreprises chinoises participent aussi à la compétition technologique. Le géant chinois du e-commerce, Alibaba, a créé en 2015 le Alibaba Quantum Computing Laboratory. Son équipe travaille sur différents projets quantiques, dont un processeurs de 11 qubits lancé en mars 2018, l’émulation d’un ordinateur quantique dans le Cloud, et le développement d’algorithmes quantiques. Un autre géant chinois, le moteur de recherche Baidu, a créé en 2018 un institut dédié à l’ordinateur quantique. Ces deux sociétés travaillent en partenariat avec la recherche publique chinoise.

En France, Atos, est l’acteur français de pointe sur le développement de l’informatique quantique. Lancé en 2016, le programme Atos Quantum est le plus important programme industriel européen. En juillet 2018, la compagnie a rendu public l’émulateur Atos Quantum Learning Machine (QLM), premier système industrialisé et prêt à l’emploi capable d’émuler jusqu’à 41 qubits sur des processeurs Intel classiques.

Les industriels, de précieux catalyseurs

Les grands groupes industriels jouent également un rôle dans le développement du quantique, plusieurs ont mis en place leurs propres équipes de recherche ou ont financé des projets de recherche quantique appliquée en collaboration avec des laboratoires ou des startups.

Certains secteurs économiques, en particulier celui des transports, de l’aviation, des télécommunications et des énergies, sont plus sensibilisés.

En 2015, Airbus a missionné une équipe dédiée au sein de la Airbus Defense & Space Unit. Le géant de l’aéronautique collabore avec QC Ware (USA, 2014), startup du logiciel quantique. L’objectif est d’utiliser l’ordinateur quantique pour de l’optimisation, et la simulation quantique pour créer des matériaux ultradurables. La société Volkswagen, déjà citée pour ses travaux sur l’optimisation de parcours de taxis à Pékin, observe concrètement les possibilités offertes par le quantique dans les transports grâce à son partenariat avec la société D-Wave. Dans le secteur de l’énergie, Total collabore avec Atos (QLM), afin, entre autres, de simuler et comprendre le comportement de particules, mais aussi d’optimiser la logistique des outils industriels. De la même manière, EDF a lancé en 2018 un projet dédié.

Les fonds d’investissement, des alliés incontournables

À ce jour, environ 150 sociétés de capital- risque (venture capitals) ont réalisé des investissements dans des startups quantiques. Le nombre de fonds d’investissement spécialisés dans le quantique est en revanche très faible et ne dépasse pas une demi-douzaine dans le monde. La technologie quantique est regardée comme un investissement risqué en raison de la complexité de la technologie et du manque de visibilité sur les retours sur investissement.

Les États stratèges et leurs programmes de financement

L’ordinateur quantique est devenu un enjeu stratégique de souveraineté et de sécurité. De nombreux États ont adopté des stratégies nationales de recherche et développement, avec des programmes de financement nationaux situés entre 140 millions et 1 milliard d’euros.

Dans le monde

Les États-Unis et la Chine sont les deux États ayant investi le plus. En 2019, l’administration américaine a mis en place le National Quantum Initiative Act. D’un montant d’1,3 milliards de dollars, ce programme gouvernemental vise à encourager la recherche et le développement, ainsi que l’éducation en matière de technologie quantique.

L’Union Européenne

En 1999, l’Union Européenne avait investi 550 millions dans le programme FET (Future & emerging technologies). À la suite du « Quantum Manifesto » signé en mai 2016 par plus de 3 400 acteurs de l’académie et l’industrie, elle a accentué sa volonté d’investir dans la technologie quantique. Le Quantum Flagship, lancé en 2018, est un projet de la commission européenne sur dix ans, doté d’1 milliard d’euros (20 projets ont été soutenus dans sa première phase en 2018, pour 135 M€) et mobiliser une communauté académique européenne de plus de 5 000 chercheurs.

Au niveau européen, l’écosystème compte environ 90 membres. Avec 20 startups, le Royaume-Uni se classe en 1re position, suivi de la France avec 16 et l’Allemagne avec 14. Une avance que l’Europe a tout interêt à conserver.

Benoit Darde

Benoit Darde


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Cette publication a été réalisée en partenariat avec France Digitale

Auteurs France Digitale