Un enjeu d’inclusion entre obligation légale et porte ouverte à l’innovation technologique

Plus que jamais, la Relation Client à Distance (RCAD) tend vers une offre de plus en plus multicanale et digitale, afin de proposer un accès simplifié au service client des entreprises et adapté aux usages des clients. A la clef, l’objectif d’améliorer la qualité de service et la satisfaction client.

Pourtant, la digitalisation de la RCAD peut être un risque d’exclusion pour une partie de la population : les Personnes en Situation de Handicap (PSH) ou à Mobilité Réduite (PMR). Celles-ci peuvent être confrontées à un manque d’accessibilité aux contenus et canaux de contact digitaux. Dès lors qu’une entreprise propose une offre à un client, celle-ci se doit d’avoir un service client qui soit accessible à tous, sans discrimination.

C’est pourquoi des lois ont été définies : les entreprises doivent revoir leur relation client à distance de bout-en-bout pour s’assurer que, d’une part, les parcours clients sont accessibles numériquement à cette population, d’autre part, que leur Centre de Relation Client est adapté aux besoins de ces personnes sans discrimination.

PSH/PMR : des millions de Français concernés par l’accessibilité numérique

Aujourd’hui, plus d’un milliard de personnes dans le monde vit avec une forme de handicap, soit 15% de la population. En France, on parle de 12 millions de personnes en situation de handicap ; soit 1 français sur 6.  Leur intégration est certes un sujet d’actualité, mais n’est pas une nouveauté, c’est une obligation nationale qui est aujourd’hui déclinée autour de plusieurs axes : obligation éducative pour les enfants et adolescents en situation de handicap, accès aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et maintien d’un cadre ordinaire de travail et de vie. Néanmoins, cette population peut rencontrer de nouvelles difficultés avec l’évolution technologique dont l’accessibilité numérique.  Aujourd’hui, plus que jamais, le numérique fait partie intégrante de notre vie quotidienne : éducation, travail, démarches administratives, renseignements, réclamations…

Réglementer pour accélérer l’accessibilité de la relation client à distance

Depuis 1997, des initiatives et actions en faveur de l’accessibilité numérique émergent aussi bien à l’international qu’en Europe, dont un ensemble de recommandations sous la forme du Référentiel Web Content Accessibility Guidelines (WCAG) qui listent les critères à respecter pour garantir une accessibilité numérique. Sous l’influence internationale et européenne, dès 2005 la France a transposé ses recommandations en un ensemble de lois et a mis au point le Référentiel Général d’Accessibilité pour les Administrations (le RGAA), équivalent français des WCAG.

Pour compléter ces lois sur l’accessibilité numérique des contenus web, la loi de 2016 pour une République numérique joue un rôle crucial en France dans la mise en accessibilité des Services Clients des entreprises. Celles-ci sont dès lors obligées de proposer, d’ici 2026, une offre de communication téléphonique comportant un service de traduction simultanée écrite et visuelle (i.e. en Langue des Signes française, en Langue parlée complétée, et en transcription écrite) à destination des personnes malentendantes ou en situation de perte auditive. La loi impose que ce dispositif soit également complété par le recours à des conseillers qualifiés en traduction en Langue des Signes, avec certificat ou diplôme à l’appui.

Avant l’échéance de 2026, une première étape doit être franchie avec la mise en place d’un tel dispositif sur 50% des plages horaires du service client de l’entreprise d’ici le 1er octobre 2021.

Cette échéance arrive à grand pas ! Aussi est-il impératif que les services clients des entreprises se mettent dès aujourd’hui en ordre de marche pour être prêtes pour octobre 2021 et mettre en œuvre les actions nécessaires :

  • Mise en accessibilité numérique des parcours client de la RCAD de bout-en-bout : de la recherche d’information à la prise de contact avec le service clientèle et réponse à enquête de satisfaction.
 
  • Mise en place d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle et évolutions SI nécessaires, recrutement et formation de conseillers avec une qualification en langage des signes françaises (LSF)

Un parcours client digitalisé conforme, accessible à tous

La tendance de la relation client à distance est définitivement au digital : près de 45% des français utilisent des canaux digitaux comme point de parcours lors de leur dernière expérience. Le téléphone est certes le canal de contact privilégié des clients, mais les canaux digitaux prennent de plus en plus d’ampleur, notamment pour les moins de 35 ans ; il est à prévoir que cette part s’accroisse progressivement du fait du vieillissement de la population.

Véritable levier de croissance pour les entreprises, il est indispensable voire obligatoire, pour une relation client à distance qui allie de plus en plus le digital à l’humain, de prendre en compte ces recommandations d’accessibilité numérique. Ainsi, les entreprises doivent veiller à mettre en conformité leurs canaux de contact de la relation client à distance, notamment leurs canaux digitaux.

Pour ce faire, une première étape essentielle pour les entreprises offrant un service client est d’auditer leurs parcours clients de bout-en-bout et leurs canaux de contact, soit en faisant appel à des expertises internes, soit à des cabinets de conseil spécialisés dans l’accessibilité numérique. Ce travail d’audit s’appuie sur le Référentiel RGAA et permet de repérer les limites d’accessibilité pour chacun des parcours et par type de handicap, pour y remédier dans un deuxième temps. Pour cela, un large éventail de solutions existe sur le marché qu’il est nécessaire de connaître et de combiner avec une expertise technique pour déployer les plus pertinentes et adaptées aux besoins de chaque entreprise…

Mais attention à l’excès de zèle ! Le Référentiel RGAA décline l’accessibilité à 3 niveaux de normes : niveau d’accessibilité minimal A, niveau amélioré Double A (AA) et niveau adapté à certains contextes Triple A (AAA).

« Il n’est pas recommandé de se fixer le niveau AAA comme objectif à l’échelle des sites entiers car il n’est pas possible de satisfaire à tous les critères de succès du niveau AAA pour certains contenus »

Source : WACG Les exigences de conformité

Une conformité européenne niveau AA

Aussi, l’obligation légale européenne et française exige une conformité au niveau AA Toutefois, selon le positionnement et la stratégie de l’entreprise (service d’utilité publique, service spécifique pour les clients PSH, démarche RSE…) il peut être pertinent pour une entreprise de réaliser un travail de conformité au niveau AAA sur certains contenus et services digitaux spécifiques.

Qu’entend-on par accessibilité numérique ?

L’accessibilité numérique, un cœur d’expertise à part entière

S’il semble facile de comprendre intuitivement ce qu’est l’accessibilité numérique, lui associer une définition complète et précise s’avère plus complexe, car il s’agit d’un ensemble de recommandations très techniques.

Une définition simplifiée de l’accessibilité numérique pourrait être que les sites Web, les outils et les technologies sont conçus et développés de manière à ce que les personnes en situation de handicap et les personnes âgées puissent les utiliser. Plus précisément, ils peuvent, d’une part percevoir, comprendre, naviguer et interagir avec le Web et d’autre part contribuer au Web.

Plus concrètement, à quoi ressemblerait une relation client non accessible ? C’est par exemple un parcours client dont le contenu ne serait pas accessible par la navigation au clavier, des images qui ne présentent pas d’équivalent textuel pour les personnes à déficiences visuelles, ou encore des animations risquant de provoquer des crises chez les personnes à déficiences cognitives ou neurologiques.

Soit c’est accessible, soit ça ne l’est pas. Il n’y a pas d’entre deux lorsque l’on parle d’accessibilité numérique.

Aussi, pour l’application des recommandations et des lois d’accessibilité numérique, est-il nécessaire en amont de développer une connaissance approfondie et technique en la matière.

Garantir l’accessibilité à travers 4 principes et composantes clefs

Toutes les recommandations en accessibilité, aussi techniques soient-elles, sont régies par l’un des 4 grands principes suivants :

  • La perceptibilité : l'information et les composants de l'interface utilisateur doivent lui être présentés de façon qu'il puisse les percevoir ;
 
  • L’utilisabilité : les composants de l'interface utilisateur et de navigation doivent être utilisables ;
 
  • La compréhensibilité : les informations et l'utilisation de l'interface utilisateur doivent être cohérentes et prévisibles ;
 
  • La robustesse : le contenu (le codage) doit être suffisamment robuste pour être compatible avec un grand nombre de navigateurs Web et avec les technologies d'assistance.

Ces 4 piliers sont à bâtir au travers de l’interaction de 4 composantes principales de l’accessibilité que l’on peut distinguer entre « Front Office » et « Back Office » :

  • Le Front Office est la partie rattachée aux utilisateurs qui souhaitent accéder à un contenu numérique, et qui peuvent s’appuyer sur :
    • les navigateurs Web, les lecteurs de médias et autres « agents utilisateurs » (ou user agent – application cliente) ;
    • une technologie d'assistance comme les lecteurs d'écran, claviers alternatifs, outils de pointages.
 
  • Le Back Office est la partie rattachée aux développeurs et créateurs de contenu numérique qui disposent des outils :
    • de création - logiciels qui permettent de créer des sites web accessibles numériquement ;
    • d'évaluation - outils d'évaluation de l'accessibilité du web, validateurs HTML, validateurs Cascading Style Sheets (CSS).

Pour cela, entreprises et particuliers peuvent s’appuyer sur de nombreuses solutions existantes en faveur de l’accessibilité numérique.

Des solutions technologiques innovantes au service de l’accessibilité numérique

Startups et grandes entreprises (notamment les GAFAM) développent une panoplie de solutions innovantes autour des différentes composantes de l’accessibilité : technologies ou offres de services, solutions hardware ou software, pour grand public ou B2B, gratuites ou payantes, … Ces solutions peuvent être aussi bien à la main des entreprises ou à la main des particuliers. Toutes avec néanmoins le même objectif : faciliter l’accès numérique des contenus digitaux. Le marché propose de nombreuses solutions qui peuvent être exploitées par les entreprises pour s’assurer que leur relation client à distance s’adresse bien à tous, avec un service client également accessible aux personnes en situation de handicap, selon le canal de contact.

Au total, une trentaine de solutions identifiées, avec une nette tendance aux solutions software :

  • soit pour accompagner les entreprises dans la création de contenus Web accessibles ;
  • soit pour aider les clients PMR particuliers à y accéder.

Les entreprises ont lancé ces démarches pour la mise en accessibilité de leur Relation Client à Distance, toutefois du chemin reste encore à parcourir pour proposer des services adaptés aux besoins de tous, sans discrimination. L’enjeu de demain sera de réussir à ce que les besoins des clients PSH/PMR ne soient plus abordés comme un sujet spécifique, mais comme un sujet standard ; du cadrage à la conception d’un service, à son déploiement, en passant par les process et outils. Transformer les organisations des entreprises et des centres de relation client, développer des compétences sur l’accessibilité, se doter des outils nécessaires… autant de chantiers à mener pour que les besoins des clients PSH/PMR soient intégrés dans la stratégie de la relation client à distance. Pour accompagner aussi bien les entreprises que les clients, un marché de solutions innovantes autour des composantes de l’accessibilité a émergé. Celui-ci va encore continuer à évoluer, à s’enrichir avant de se stabiliser pour répondre avec de plus en plus de pertinence à cette demande.