Rapport écrit en collaboration avec Clément Le Roy, Ines Picon, Xavier Metz, Marianne Lugiez  et Jean-Baptiste Blondel

Savez-vous comment l’électricité est acheminée jusqu’à votre domicile ? Comment le kérozène est acheminé depuis les raffineries jusqu’aux aéroports ? Connaissez-vous les infrastructures qui, chaque jour, acheminent l’énergie chez vous ou dans les entreprises ?

Réponse : les réseaux énergétiques. Ce sont eux qui acheminent l’électricité, le gaz, le pétrole et la chaleur ou encore le froid jusqu’aux utilisateurs finaux, partout et en toutes circonstances, ou persque…

En France, nous bénéficions d’infrastructures de qualité. Mais à l’heure où le gouvernement français s’est fixé un objectif de neutralité carbone en 2050, les réseaux français font face au défi de la transition énergétique : quelles transformations faut-il envisager pour leur permettre de transporter des énergies renouvelables ? Comment concilier la numérisation de ces réseaux dans un contexte croissance de cyber-attaques ?

Pour répondre à ces défis,  l‘Institut Montaigne a travaillé durant 10 mois avec des entreprises privées et publiques afin de mieux comprendre les enjeux et identifier les solutions. Ce rapport, dont Wavestone a assuré le rôle de rapporteur, vient compléter une large réflexion menée par l’Institut Montaigne sur la transition énergétique : une analyse de la stratégie nationale en matière énergétique et une réflexion sur les deux secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre en France, le transport et le bâtiment.

Réseaux d’énergies : de quoi parle-t-on ?

Nous avons, en France, quatre grands types d’énergies : le gaz, l’électricité, le pétrole et la chaleur/le froid. Les réseaux de transport et de distribution acheminent ces différentes énergies d’un centre de production (centrale nucléaire, raffinerie par exemple) ou d’importation (terminal méthanier, interconnexion européenne) à un centre de consommation. Les entreprises qui exploitent ces réseaux, appelées gestionnaires, sont chargées, d’une part, de développer de nouvelles lignes ou canalisations et, d’autre part, d’entretenir et réparer les réseaux déjà existants.

Pourquoi les réseaux d’énergies sont-ils essentiels à la transition énergétique ?

Ces réseaux, qu’il s’agisse du transport ou de la distribution d’énergie, bien que de qualité aujourd’hui en France, font désormais face à de nombreux défis, liés à la transition énergétique, qui peuvent devenir de véritables opportunités. Depuis notamment l’adoption de la Stratégie Nationale Bas Carbone, la France est en transition vers des énergies de plus en plus vertes (éolien, photovoltaïque, biométhane). Or, un parc d’éoliennes en pleine mer, au large de Fécamp, ou une ferme produisant du biométhane en Picardie ne sont pas connectés aux infrastructures existantes sur le territoire français : les raccorder aux réseaux électriques ou gaziers est donc une nécessité.

De plus, le mix énergétique français est amené à être de moins en moins composé d’énergies fossiles : le financement des infrastructures liées à ces énergies (pétrole et gaz) devra donc être repensé.

La digitalisation des réseaux, et notamment le développement de smart grids, est également une opportunité pour les réseaux d’énergies. Cela garantit en effet une meilleure optimisation des flux et permettrait, entre autres, de mieux gérer le stockage de certaines énergies : le gaz est par exemple moins utilisé en été. Si l’usage de smart grids peut inquiéter les consommateurs, de plus en plus soucieux de leur vie privée, les données de consommation provenant des compteurs communicants ont une réelle utilité. En effet, ils peuvent permettre aux clients, si cela leur est bien expliqué, de mieux gérer leur consommation. Il s’agit d’une réelle opportunité pour réaliser des économies d’énergie et financières, et pourra aider à l’identification des passoires thermiques.

9 Recommandations pour que la transition énergétique ne se fasse pas sans les réseaux

Mettre en place une “PPE Réseaux” tenant compte de l’évolution de la demande et de la production. C’est en effet indispensable pour que le gouvernement et le législateur orientent et déclinent la politique énergétique du pays en traitant les impacts sur l’ensemble de la chaîne, et non seulement sur le plan de la production. Ce document d’orientation, commun aux différentes énergies, étudiera leur complémentarité et la manière dont les réseaux d’électricité, de gaz et de chaleur, peuvent fonctionner en synergie les uns avec les autres.

Renforcer l’articulation entre les différents schémas directeurs Énergie et coordonner la PPE et les SRADDET. L’organisation d’une conférence réunissant les services centraux de l’État, les préfets et les présidents de région pourrait permettre aux schémas régionaux d’être entendus dans leur spécificité puis conciliés avec les orientations nationales de la PPE dans une approche de synthèse.

Étudier l’opportunité de renforcer la coopération entre RTE, GRTgaz et Teréga pour optimiser le pilotage des réseaux stratégiques français en matière énergétique et accélérer la convergence entre les énergies. Cette étude pourrait être menée sous l’égide de la DGEC.

Comme cela a été effectué pour les fiches de paie et les déclarations d’impôts, rendre plus claire la facture d’énergie avec une explicitation des différentes composantes du prix (énergie, acheminement et fiscalité). Des encarts pédagogiques pourraient être ajoutés en annexe afin de valoriser le rôle des réseaux en lien avec la transition énergétique (accueil des énergies renouvelables, mobilité propre, décentralisation, tonnes de CO2 économisées …).

Intégrer un volet “Énergie” à la démarche de création d’un grand campus de la cybersécurité (mission confiée par le Premier ministre à Michel Van Den Berghe) afin de permettre aux différents acteurs de se rapprocher et de partager leurs solutions. Développer une stratégie à l’export pour les PME et les startups œuvrant sur le développement de solutions et de services Énergie Cybersécurité avec le soutien de la BPI-France.

Renforcer les ambitions de développement à l’international des acteurs français en charge de la gestion des réseaux d’énergie, de transport comme de distribution. Valoriser leur savoir-faire en matière de smart grids et de comptage intelligent, en lien avec la filière industrielle et sans se limiter aux missions de conseil, comme l’ont fait avec succès d’autres grands opérateurs européens comme Enel et Iberdrola. Pour la réussite de l’exportation de cette filière industrielle, il conviendra que le pouvoir politique apporte le soutien nécessaire, qu’il s’agisse d’apporter de la visibilité à la filière par la voie diplomatique ou de lui faire bénéficier des soutiens financiers du fonds pour l’innovation et l’industrie.

7.1 : Autoriser l’attribution de certificats d’économie d’énergie (CEE), pour des raccordements réalisés sur des réseaux aidés par le Fonds Chaleur. Ceci présente l’avantage de ne pas peser directement sur les finances publiques du fait du fonctionnement du dispositif des CEE. Le Fonds Chaleur pourrait le cas échéant être utilisé comme variable d’ajustement, en complément des CEE, pour éviter tout soutien trop important.

7.2 : Supprimer, dans les zones desservies par des réseaux de chaleur, les mécanismes de récompense des gestionnaires de réseaux de distribution de gaz lorsqu’ils raccordent des bâtiments au réseau de gaz, dans les conventions de gestionnaires de réseaux de distribution de gaz. Cela permettra d’éviter une concurrence frontale entre deux réseaux énergétiques et d’accélérer le développement des réseaux de chaleur.

7.3 : Obtenir un engagement des gestionnaires et des délégants de réseaux faisant partie de la dizaine de réseaux totalement ou partiellement alimentés au charbon pour renoncer à l’énergie charbon sous 10 ans. En effet, le charbon représente actuellement 4,4 % du mix des réseaux de chaleur, cette part ayant été divisée par 2 en 5 ans.

Accélérer la mise en place, sous l’égide de la CRE, de l’identification des zones favorables pour orienter et inciter les projets à se développer sur les territoires les plus propices à l’accueil de méthaniseurs, reposant en particulier sur l’étude des coûts de raccordement et d’injection dans les réseaux, de transport ou de distribution.

Confier au Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN), dans le cadre des déclinaisons des dispositifs législatifs et réglementaires (en particulier de la Loi de Programmation Militaire), une mission d’évaluation de la criticité des infrastructures de transport d’hydrocarbures et de la robustesse des exploitants des réseaux d’oléoducs.

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