Il n’y aura pas de révolution dans l’automobile en 2023. Pas de voiture volante, pas de technologie follement disruptive… Sur un marché mature qui restera convenu, l’heure est plutôt à l’optimisation des coûts, à la frugalité, dans un contexte qui reste difficile, encore secoué par les conséquences de la pandémie, la crise des semi-conducteurs et la nouvelle donne énergétique.

Pour autant, le secteur se refuse à l’inertie : il continuera le changement de paradigme amorcé depuis une dizaine d’années, en allant vers des véhicules intelligents mieux conçus, mieux utilisés, mieux entretenus. Une évolution technologique, oui, mais pragmatique et au service du réalisme économique.

Initialement exclusivement centrée sur un produit manufacturé, l’industrie automobile se pense désormais en plusieurs dimensions. Elle continue d’intégrer des contraintes réglementaires importantes et structurantes, des aléas dans l’approvisionnement, des changements majeurs dans les modes de consommation et la notion même de propriété. Résultat : le secteur s’est diversifié et dirige sa course à l’innovation vers des services à valeur ajoutée pour l’ensemble de ses produits, et la circularisation de son économie.

2023 : l’heure où le véhicule électrique prend la main sur le marché du neuf comme de l’occasion

Parmi eux, le véhicule électrifié devrait confirmer en 2023 son importance numérique comme stratégique. Anecdotique il y a encore trois ans, le marché européen est devenu bien réel. Il détrônera définitivement le diesel, et le véhicule électrique à batterie représentera à lui seul près de 18%¹ des volumes de vente pour les particuliers. Il faut cependant garder en tête que l’acte d’achat a été fortement soutenu par les subventions gouvernementales qui pourraient, sauf revirement politique, privilégier dans les prochains mois le développement des réseaux de recharge, principal point d’achoppement actuel.

Autre mutation : l’essor du marché de l’occasion. Historiquement stable, ce marché a connu une forte croissance ces dernières années, en particulier pour les véhicules “récents” : ~60% ont moins de 3 ans². Il n’échappe désormais plus aux constructeurs, qui n’hésitent pas à mettre leurs véhicules neufs en concurrence avec leur offre de véhicules d’occasion certifiés. Logiquement, la part des véhicules électriques augmente elle aussi sur le marché de la revente, contribuant à populariser cette technologie. Avec la crise des semi-conducteurs qui se prolonge, la réduction des capacités de financement et l’accélération de l’inflation, le marché de l’occasion devrait continuer à progresser cette année.

¹Source : EIA, avec scenario de projection APS / ²Source : Edmunds.com

Des stratégies au service de véhicules désormais truffés de technologies et de matières rares

Dans une même logique d’accessibilité, les constructeurs devraient accentuer leur positionnement sur la maintenance et les pièces après-vente. Il s’agira de développer leur réseau et marques pour pouvoir entretenir et remettre à neuf les véhicules. On observe ici une tendance de fond dans le secteur automobile. Il ne s’agit plus de vendre, une fois pour toutes, une boite métallique contenant de la mécanique et un peu d’électronique montée sur des roues. L’automobile est aujourd’hui un écosystème complet destiné à créer et accompagner le véhicule tout au long de sa vie.

Le développement de nouvelles filières d’approvisionnement, comme le recyclage, la réutilisation et le réusinage des composants, s’accélérera en 2023, notamment pour atténuer la concurrence sur les matériaux rares largement utilisés dans les nouveaux véhicules.

A l’autre bout de la chaîne de valeur, la vie du véhicule peut aujourd’hui être améliorée, voire prolongée grâce à la digitalisation. Cela passe par l’utilisation de l’intelligence artificielle pour identifier les pannes et guider l’entretien, ou encore l’ajout d’applications pour faire évoluer le véhicule. Des évolutions qui portent sur des éléments fondamentaux, comme l’aide à la conduite, améliorée en continu par des mises à jour, ou des services plus accessoires, tel un abonnement à un kit jeunesse pour un conducteur devenu parent. De plus en plus, les voitures deviennent des ordinateurs sur roues.

Parfaite illustration de ce phénomène : le déploiement sur nos routes en 2023 des véhicules semi-autonomes, dits « de niveau 3 » (sur l’échelle de 0 à 5 de la SAE). Et à un rythme probablement exponentiel, car la récente évolution du cadre règlementaire et technologique permet désormais, enfin !, des cas d’usage comme le maintien dans la voie automatisé. Les véhicules totalement autonomes resteront toutefois encore discrets. Etant donnée la fin de vente annoncée de véhicules thermiques neufs d’ici 2035, il ne fait aucun doute que les investissements des constructeurs continueront de se concentrer sur le développement du véhicule électrique.

Cette évolution globale vers les “software-defined vehicules” devrait assurer non seulement une meilleure durabilité des voitures, cohérente avec l’évolution de notre société vers un mieux consommer, mais aussi une source de revenus alternative et récurrente pour les constructeurs. Là où un acte d’achat avait lieu tous les 3-4 ans, il y aura maintenant une multitude de transactions tout au long de la durée de vie du véhicule.

L’enjeu est aujourd’hui d’intégrer la logique du software dans toute l’entreprise. Avoir une division dédiée ne suffit plus. Il faut que les mentalités et les process évoluent à tous les niveaux, que le constructeur se pense dans son identité avec ce nouveau référentiel, qui n’est pas un gadget mais implique une mutation profonde. A l’instar du secteur des télécoms, le secteur automobile entre dans une phase de transition irréversible. Souvenez-vous de l’impact du passage du téléphone portable 3310 de Nokia au premier smartphone ! Les constructeurs ont tout à gagner à bien négocier ce tournant.