La crise sanitaire et économique a agi comme un catalyseur dans de nombreux domaines en mettant les entreprises en obligation de résilience. Depuis plus de 6 mois, nous recueillons et analysons les témoignages de clients et experts pour appréhender les caractéristiques du monde du travail post COVID en matière d’aménagement des espaces et des conséquences sur les collaborateurs, le management, l’organisation et les modes de travail. 

Santé des collaborateurs et environnements de travail : un enjeu durable de résilience sanitaire 

Le sujet de la santé des collaborateurs est plus que jamais au centre des attentions des Directions et des CSE depuis le début de la crise COVID-19 : réorganiser l’entreprise en prenant en compte la santé et la sécurité sanitaire des collaborateurs implique d’adapter et de concevoir de nouvelles normes d’usage du travail en présentiel / au bureau. Sans conteste les gestes barrières, la distanciation socialele « sans-contact » … sont autant de nouvelles mesures qui modifieront durablement les usages de travail des salariés.  

Dans ce contexte, certaines entreprises sont allées jusqu’à remettre en cause la tendance des espaces ouverts qui marquait l’aménagement des espaces depuis plusieurs années pour dénoncer une incompatibilité avec les règles de distanciation sociale : 9% des entreprises se fixent comme priorité de challenger le flex-office et 18% souhaitent requestionner les open-spaces (étude JLL – Nos bureaux post Covid-19). A notre sens la solution réside davantage dans les solutions que peut apporter le « smart building ». Si les solutions technologiques en ce domaine s’orientaient essentiellement sur un facility management éco-responsable, il sera très prochainement fait appel à la technologie pour garantir des environnements de travail optimisés et « résilients » d’un point de vue sanitaire (équipement en capteurs permettant de mieux comprendre les comportements de circulation et de socialisation des salariés et d’optimiser les fluxintelligence artificielle et la data-science au service d’une moindre contamination collectivetechnologies connectées privilégiant le « sans contact » avec davantage de commandes à distance, vocales et gestuelles dans l’espace de travail, …). 

Modes de travail hybrides et « sens » du bureau 

Au-delà des préoccupations sanitaires, l’environnement de travail doit s’adapter à de nouveaux modes de fonctionnement générés par le travail à distance étendu, aujourd’hui au cœur des réflexions menées par une très large majorité des organisations qui prévoient d’adapter leurs accords de télétravail (82% des DRH pensent que le développement du télétravail de façon pérenne est souhaitable selon un sondage Deskeo – Coronavirus et télétravail)Le mode de travail « hybride » entre domicile ou tiers lieux et entreprise – ainsi que l’ensemble des entreprises le vivent aujourd’hui à la faveur de la crise sanitaire et des mesures de travail à distance provisoires – va s’installer durablement comme une réalité 

De fait la notion d’espace de travail se confond avec les temps de la vie quotidienne. L’idée de bureau attribué et fixe du lundi au vendredi est en passe de devenir révolue, et l’espace de travail physique ou le « bureau » tel que qualifié auparavant est devenu une notion relative et un atout qui se challenge. 

Si le confinement, la période transitoire qui a suivi et le reconfinement poussent les organisations et les individus à adapter leurs modes de travail et adopter de nouveaux outils et usages digitaux pour pallier le défaut de proximité physique, il est néanmoins certain que le mode distanciel a révélé certains besoins auxquels le digital ne pourra certainement pas répondre ni durablement ni totalement. Pour cela, penser les usages de travail et donner un nouveau sens au « bureau » est donc une nécessité pour répondre à une question centrale : que pouvons-nous attendre de notre espace de bureau que le travail à distance et le digital ne pourront procurer ? Et pourquoi nous rendrons-nous au bureau demain ? 

Ainsi le nouveau « sens du bureau » doit s’imprégner de ces besoins, et répondre aux usages qui rassembleront « positivement » les collaborateurs sur le lieu de travail. 

Le bureau demain : oui mais pourquoi ? 

Depuis le premier confinement la collaboration et le digital font désormais meilleur ménage, c’est une certitude. La grande majorité des entreprises ont ainsi eu recours à des solutions désormais bien connues pour partager et travailler collectivement (Microsoft Teams, Zoom, …). Ainsi 71% des salariés déclarent que leur entreprise a mis en place des outils collaboratifs pour faciliter leur télétravaildont 12% pour qui c’était une nouveauté (étude BNP Paribas Real Estate x IFOP – Les français à l’épreuve du confinement Vague 2). 

Pour autant les études mettent en évidence que ce qui compte davantage pour le collaborateur n’est pas tant l’espace commun mais la proximité continue, facile et techniquement sans couture avec l’équipe, avec sa « communauté professionnelle ». C’est là que le bureau se positionne encore et challenge le télétravail. Le collaborateur a besoin de ses pairs et cela passe par une expérience collective qui sera plus forte « émotionnellement » si elle peut rester en présentiel.  

Ceci postule pour une révision en profondeur des modes de fonctionnement et l’organisation collective et individuelle du travail. Une réflexion s’engage aujourd’hui dans certaines entreprises pour qualifier les usages de travail et organiser la vie des équipes autour du mode travail hybride et de deux axes somme toute simples :  

  • Réserver les usages de « productivité individuelle » nécessitant concentration et des interactions plutôt limitées avec les autres collaborateurs aux jours de travail à distance ; 
  • Identifier les usages nécessitant « positivement » d’être ensemble, tels que les brainstormings, les retours d’expérience, les temps d’intelligence collective, de co construction et d’innovation, d’informel… et les organiser en présentiel. 

De fait une étude révèle que 53% des décisionnaires (issus des RH, immobiliers, dirigeants) estiment que d’ici 5 ans les bureaux tiendront un rôle d’espaces collaboratifs, et ne seront plus fréquentés au quotidien (sondage Switch / Bureau à partager). 

Ainsi, le bureau qui était perçu comme une valeur « refuge » et un incontournable, devra muter en une place « repère » pour la communauté professionnelle, notamment pour préserver ce lien social qui constitue un des moteurs de l’engagement et de la rétention des talents. Ainsi 88% des employeurs redoutent une nuisance au sentiment d’appartenance et à l’engagement avec un travail à distance étendu (sondage ANDRH x BCG – Le futur du travail vu par les DRH). 

Une question de méthode avant tout 

Sur ce point l’enjeu réside dans la méthode. En effet cette analyse doit être réalisée en co construction avec l’équipe, guidée par le management, pour atterrir collectivement sur de nouveaux modes de fonctionnement et de nouvelles règles qui redonneront du sens au « être ensemble ». Sanctuariser à minima une journée présentielle ou l’ensemble de l’équipe est réunie, pour des activités collectives identifiées et donc motivantes, constitue un premier pilier de ces nouvelles modalités du travail collectif. Et il conviendra à chaque équipe d’inventer leurs modes de fonctionnement de demain, qui donneront aux espaces de travail physiques et au bureau son nouveau sens. 

Définir vos façons de travailler de demain pour envisager vos environnements de travail et le nouveau « sens du bureau »

Définir vos façons de travailler de demain pour envisager vos environnements de travail et le nouveau « sens du bureau »

Les espaces de travail vont devoir évoluer pour devenir un symbole et un repère attractif, et non plus le lieu de travail nécessaire à la réalisation des activités professionnelles, individuelles et collectives. Mais ils devront également répondre à un autre enjeu éminemment économique. En effet il est fort probable que pour beaucoup d’entreprises les espaces redeviennent une option d’organisation et la durée de présence dans un immeuble tertiaire devra répondre au plus près des priorités, et s’exonérer plus librement des baux classiques en 3/6/9 ans. Le futur des espaces de travail sera vraisemblablement soumis à une résilience exigée, pour s’adapter aux enjeux stratégiques, organisationnels et métiers dans les temps à venir. 

Cet article a été rédigé avec la contribution de Sibylle Delaboulaye et de Gaëlle Larche, respectivement manager et senior manager de la practice People & Change chez Wavestone.