Le 28 novembre dernier Wavestone co-organisait une matinale débat sur la place de l’humain dans les transformations RH des organisations publiques, introduite par Yannick Taupiac, partner Wavestone People & Change, et Thomas Cornet, associé fondateur de Wittyfit.

Au menu : une table ronde avec Fabienne Chol, DRH de la Région Ile de France, Hélène Valentin, ex-directrice de la transformation « Excellence et Bien-être au travail » du groupe AVEM, venues témoigner de leur expérience de transformation respectivement dans le secteur public et le secteur privé, et Laurie Mondillon, enseignante-chercheuse en psychologie du travail à l’Université de Clermont-Auvergne, qui nous a apporté l’éclairage de la science sur les tendances du comportement humain dans ces contextes de changement. Le débat était animé par Sabrina Younsi-Yuth, Senior Manager People & Change chez Wavestone.

Suite à la table ronde, un parcours inspirant était proposé pour partager des retours d’expériences réussies, autour de 4 prismes RH :

  • La concertation collective avec la startup Toguna – Guillaume Omer Decugis ;
  • La formation avec la startup SkillUp – Hugues Peuchot;
  • La mobilité via l’intelligence artificielle avec la startup Neobrain – Paul Courtaud ;
  • Le SIRH (Système d’Information de gestion des Ressources Humaines) avec l’éditeur TalentSoft – Bruno Longhi.

Les maîtres-mots de la matinée : l'humain et la transformation. Pourquoi ?

Les mutations à l’œuvre dans le secteur public questionnent la prise en compte de l’évolution du métier, des pratiques, des attentes et de l’environnement de travail des agents, ainsi que le rôle des ressources humaines dans ce contexte incertain et mouvant :

  • Tout d’abord la transformation de l’action publique voulue par le Gouvernement (AP22, SIRH 2022, la loi de transformation de la fonction publique, etc.). Elle vise à adapter les services publics aux attentes de citoyens qui aspirent à des services modernes, performants, simples d’utilisation et à la hauteur de ce que la technologie et le digital leur fournissent au quotidien dans leur vie personnelle. Toutes les politiques publiques sont concernées. L’ensemble des administrations connaît ainsi des changements profonds d’organisation et de méthodes de travail, notamment au niveau territorial, qui modifient en profondeur les environnements, les processus, et in fine les pratiques professionnelles et managériales.
 
  • Ensuite les évolutions sociétales et démographiques, avec l’arrivée des générations Y et Z, et l’émergence de référentiels nouveaux. Ceux-ci s’imposent désormais dans les réglementations dont doivent tenir compte les entreprises et acteurs publics, comme l’égalité Homme/Femme, la diversité, la Qualité de Vie au Travail. Toutes ces évolutions doivent être prises en compte par la fonction RH dans son ensemble, que ce soit en matière de recrutement, de formation, de gestion des emplois et des compétences, d’environnement de travail, mais aussi de pratiques managériales.
 
  • Enfin, la prédominance de la technologie et les apports considérables du digital et, potentiellement, de l’intelligence artificielle, révolutionnent les process RH (recrutement, mobilité notamment), ainsi que l’expérience tant des collaborateurs que des usagers.

Quels enseignements tirer de ces regards croisés ?

tranformation RH secteur public

Pluraliser les regards (public/privé, grandes entreprises/startup, professionnel/académique) est apparu comme un prisme intéressant au travers duquel nous avons pu appréhender plusieurs dimensions du capital humain, nous permettant ainsi de comprendre en quoi les mutations bouleversent à la fois l’expérience de l’agent face à son travail (sens, organisation, relations humaines) et son environnement (conditions de travail, moyens, outils) mais également son rapport vis-à-vis du client final (l’usager) et de son employeur (l’administration).

Loin des clichés sur un secteur public « à la traîne », un secteur privé « uniquement orienté performance » et un monde scientifique « déconnecté du terrain », nous avons pu dégager des enseignements qui montrent des constats parfois divergents mais très souvent convergents et complémentaires :

Inverser le paradigme habituel avant d’engager un projet de transformation lourd

Les « Humains » ne sont pas des ressources, que l’on peut « manipuler » au même titre que les ressources matérielles en vue de créer les conditions du succès. Ils sont à considérer comme des acteurs-clés qu’il faut convaincre, motiver, embarquer et responsabiliser. Pour cela, tout projet de transformation, qu’il émane d’une organisation publique ou privée, doit :

  • Inclure une « vraie » logique de co-construction : le salarié ou l’agent doit être placé au cœur du réacteur du changement, en étant impliqué dans tout ou partie du processus de décision de sorte à les associer à la démarche et à les sensibiliser aux enjeux qui la sous-tendent. En ce sens, des conférences, des learning expedition … peuvent être des moyens pour l’aider à « faire un pas de côté », donner à voir une réalité différente.
 
  • Intégrer la question du sens encore et toujours : une démarche de transformation est avant tout un projet commun. Pour cela, les DRH ou Directeurs de la transformation peuvent jouer sur la motivation intrinsèque, celle qui nous donne envie d’aller travailler le matin. Ce type de motivation doit prévaloir sur toute forme de motivation extrinsèque, plus éphémère et moins porteuse de sens (« je travaille dans le seul but d’être en vacances dans une semaine ») ;
 
  • Projeter : l’acceptation d’un projet sera d’autant plus facilitée grâce à un exercice concret de projection : « afin de donner envie, demain, à vos enfants, de postuler à la région IDF, il faut innover, libérer et décloisonner le travail ».

Concevoir la Qualité de Vie au Travail (« QVT ») comme une condition et un accélérateur de la transformation

C’est en faisant prendre conscience au fil de l’eau aux agents que les composantes du projet (nouvelles méthodes de travail, nouveaux espaces, nouveaux outils, transversalité, etc.) vont améliorer sensiblement le bien-être au travail que se consolide progressivement l’adhésion au projet. À titre d’exemple :

Avec le télétravail et en libérant les espaces de travail lors du déménagement du siège du Conseil Régional Ile-de-France, l’enjeu a été d’engager un changement culturel profond en décloisonnant et faisant évoluer les pratiques managériales – les « manifestations de pouvoir » et de contrôle excessif ont laissé la place au travail collaboratif et à la confiance. Résultat : une satisfaction au travail qui a grimpé en flèche.

Sous un contexte de fortes transformations des métiers de la monétique, le Groupe AVEM (filiale du Crédit Agricole), a su mettre la Qualité de Vie au Travail au cœur de leur démarche de changement, en « partant de la base » et en mesurant les impacts en temps réel sur l’activité opérationnelle via la plateforme collaborative de mesure de satisfaction au travail (Wittyfit).

S’assurer du meilleur sponsoring pour incarner la transformation au bon niveau

La volonté et l’engagement clair et appuyé du management ne doit faire aucun doute, d’autant plus au sein d’organisations publiques où le sponsorship est induit des décisions politiques dont découlent la majorité des transformations. Ainsi, pour être efficace, un sponsorship doit inclure une ambition, un horizon temporel et des ressources dédiées (humaines et/ou financières) pour y parvenir. À ce titre, la position ferme de Valérie Pécresse de réussir le projet de déménagement du siège de la Région du centre de Paris vers la Saine Saint Denis en deux ans était une vraie gageure.

Toutefois, un fort portage ne doit pas se substituer à l’autonomie et à la responsabilisation des managers et des équipes dans la conduite du projet. Le vrai changement doit être impulsé d’en haut, s’infuser auprès des équipes opérationnelles et se diffuser à l’ensemble de l’organisation de manière horizontale. C’est en effet par la co-construction, la prise d’initiative et la responsabilisation jusqu’au niveau des équipes que se construit le plan de transformation.

Comprendre la psychologie humaine pour ancrer les évolutions en tenant compte des perceptions et des leviers de motivation réels

Depuis quelques années, les disciplines que sont les neurosciences et les sciences cognitives, amènent une caution scientifique sur la manière dont les new ways of working doivent être repensées en prenant en compte la psychologie humaine – les open space, accentuant, par exemple, la surcharge cognitive d’un individu, entraînent davantage de saturation d’informations et de fatigue émotionnelle en fin de journée.

Lors de la matinale débat, Laurie Mondillon a avancé quelques tendances d’évolution du travail, en faisant appel à ces disciplines :

L’égo est à la cause racine de tout problème, qu’il soit d’ordre professionnel, personnel, relationnel ou émotionnel. Dans un contexte de transformation, lorsqu’une personne va ramener un impact à son égo, elle va se créer elle-même des problèmes en se confinant dans sa propre perception de la situation.

La résilience, c’est-à-dire la capacité à apprendre et à se relever d’un choc, d’une épreuve, etc., sera une compétence indispensable dans les années à venir. Des travaux scientifiques attestent que les gens les plus optimistes ne sont pas les plus heureux. En revanche, les personnes qui arrivent à gérer les aspects négatifs de leur vie en s’exposant aux problèmes et en trouvant comment les surpasser sont celles qui sont les plus satisfaites dans leur vie. Le bonheur résiderait ainsi dans le fait d’apprendre à gérer le positif et le négatif au cours de sa vie.

Les facteurs de motivation au travail, d’autant plus lors d’un contexte de transformation, doivent davantage être intrinsèques qu’extrinsèques. Autrement dit, un individu doit trouver les raisons qui le poussent à effectuer une tâche pour le seul but de l’effectuer (sens du service public, de l’intérêt général, etc.) et non à cause de facteurs externes (vacances, promotion, etc.). Bien entendu, la plupart des individus sont motivés à la fois par ces deux types de facteurs. Afin de les motiver et de les embarquer au mieux, la direction porteuse du changement, devra savoir ce qui les motive réellement et agir, autant que faire se peut, sur les leviers adéquats.