La filière numérique du secteur public souffre d’un déficit d’attractivité et de compétences structurantes pour soutenir la stratégie de transformation numérique de l’Etat, alors même que le secteur propose des opportunités intéressantes susceptibles d’attirer un grand nombre de candidats. Pour quelles raisons ? Quels leviers activer pour améliorer cette situation ?

Une forte concurrence du secteur privé et des trajectoires actuellement peu lisibles

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce constat. Tout d’abord, les profils numériques, et notamment les jeunes talents, sont plus naturellement attirés vers le secteur privé, perçu comme plus innovant et dont les parcours de carrière apparaissent plus dynamiques et plus rémunérateurs. Par ailleurs, les offres dans le secteur public sont moins visibles que celles du privé, qui utilise plus de canaux de promotion fréquentés par le grand public. Enfin, les trajectoires de carrière et les parcours restent encore peu lisibles pour les candidats et au-delà pour les recrutés, ce qui peut obérer leur rétention.

Pour pallier le déficit en talents numériques à court terme, alors même que les transformations numériques et les cycles technologiques s’accélèrent, l’administration recourt notamment à des prestations externes. Toutefois, ce levier n’enlève en rien la nécessité pour les administrations de maîtriser l’achat et le pilotage des prestations ainsi externalisées comme en atteste la circulaire du Premier Ministre en date du 19 janvier 2022 concernant le recours aux prestations intellectuelles.

L’Etat fait donc face un défi de taille : celui de recruter, de former et de retenir des talents numériques dans un marché de l’emploi fortement concurrentiel.

Des premières initiatives menées qui restent à renforcer

En réponse à cet enjeu, la mission Talents a été mise en place dès 2019 au sein de la DINUM, notamment pour implémenter des actions et dispositifs interministériels visant à attirer, recruter et fidéliser les agents publics travaillant dans le numérique.

Des actions ont récemment été menées et ont permis d’impulser une nouvelle dynamique avec des retombées positives : forum de l’emploi tech de l’Etat, opération « Vis mon job » à destination des étudiants, accompagnement et acculturation des cadres de la fonction publique au numérique, programme Entrepreneurs d’intérêt Général (EIG), etc.

Pour autant, la concurrence pour l’emploi de nouveaux talents avec le secteur privé reste défavorable au secteur public. La rétention des talents qui ont d’ores et déjà pris leur place dans les administrations reste par ailleurs un enjeu majeur.

La promotion d’une filière spécifique de fonctionnaires SI, solution efficace et pérenne pour faire face à la pénurie de talents numériques

La structuration d’une filière spécifique de fonctionnaires SI, à l’instar des catégories de cadres de la fonction publique, couplée à la création d’un cursus de formation initiale et d’accès par la voie de concours, pourrait apporter une réponse efficace face à cette situation. Cela permettrait de se doter de compétences pérennes et de réduire le recours aux contractuels, dont le recrutement reste ici encore en forte tension. 

Un travail sur l’attractivité de la filière numérique publique apparait par ailleurs nécessaire. Pour cela, un levier essentiel repose sur la construction de parcours de carrière permettant de donner aux talents des perspectives et une trajectoire, tout en profitant de la diversité des métiers et des géographies offertes par le secteur public à tout agent.

Dans cette optique, il peut être envisagé de créer un outil permettant l’appariement des compétences d’un profil avec les besoins d’un grand projet SI, qui pourrait par exemple répliquer le programme VINCI, vivier interministériel des cadres de l’État (CVthèque interministérielle en ligne), développé par la DGAFP. Afin de proposer des postes attractifs, il peut aussi être envisagé la création d’un pôle d’experts SI interministériels au sein de la DINUM, qui seraient affectés aux projets selon les besoins.

Plusieurs autres actions peuvent être mises en œuvre pour rendre la filière plus attractive : la modernisation du processus de recrutement à l’image de ce qui est fait dans le secteur privé (serious games, recrutements dans le metaverse, etc.), la recomposition de grilles de rémunération plus attractives ou encore la modernisation de l’environnement de travail en repensant les aménagements des espaces, en encourageant le télétravail et le nomadisme, et en mettant à disposition des équipements et solutions performants.

Il s’agit aussi de mettre en place une stratégie de marque employeur dédiée. Le travail effectué par la mission Talents à travers la création du site de valorisation des métiers du numérique au sein de l’État constitue un premier pas. L’administration doit penser à mettre en avant, dans le cadre de cette stratégie, ses avantages différenciants (parcours de carrière avec des métiers variés, mobilité géographique, finalité pour l’intérêt général porteuse de sens, etc.) et faire la promotion systématique de ses grands programmes.

Pour compléter, et afin de bien structurer ce plan d’actions, le lancement d’une démarche de GPEC, permettant d’aboutir à un référentiel de compétences numériques, et la mise en œuvre d’une stratégie de recrutement partagée à la maille interministérielle, constituent des prérequis essentiels.